Les rues de LLN

rue de l'Invasion

rue: rue de l'Invasion
canton postal: 1340
localité: Ottignies
description:

Invasion

Invasion (rue de l’) [située à Ottignies, E1]

Conseil communal du (/).

Toponyme antérieur à la création de Louvain-la-Neuve.

*    Thème des toponymes traditionnels.

*   Les tragiques événements qui accompagnèrent partout l’offensive allemande d’août 1914 ont profondément marqué les contemporains. Du 5 au 26 août 1914, l’armée impériale passa par les armes plus de 5 000 civils et détruisit plus de 15 000 maisons dans une centaine de communes de Wallonie. Si aucune région ne fut épargnée, c’est bien en Wallonie, qui se trouvait dans l’axe principal de l’offensive allemande, que furent perpétrés l’essentiel des massacres (70 % des victimes). L’importance des massacres, de même que la manière dont ils furent vécus et commémorés, expliquent une mémoire différente de la Première Guerre mondiale en Flandre et en Wallonie. Dans la mémoire collective, le souvenir des exactions de Visé (600 maisons détruites), d’Andenne (218 victimes), de Tintigny (120 victimes), de Tamines (383 victimes), d’Ethe (218 victimes) et surtout de Dinant (1 100 maisons et 674 victimes) restent les plus ancrés. Le discrédit moral, il est vrai entretenu par la propagande alliée, fut considérable pour l’Allemagne : il explique, partiellement (le torpillage des navires marchands américains par les Allemands y fut également pour quelque chose…), l’entrée en guerre des Américains en 1917, et une méfiance, toujours vivace aujourd’hui, pour l’« autoritarisme » allemand, que la Seconde Guerre n’a fait que renforcer. Dans le même ordre d’idée, c’est le souvenir des atrocités d’août 1914 qui explique la terreur éprouvée par les populations en mai 1940, et l’exode de centaines de milliers de civils fuyant la « fureur teutonne ».

Parmi les causes principales de ces « atrocités allemandes », il faut certainement évoquer la hantise — réelle — des corps de francs-tireurs français de la guerre franco-allemande de 1870, mais aussi la rage du haut commandement allemand devant une résistance belge à laquelle il ne s’attendait pas : pour lui, la neutralité belge aurait dû conduire à laisser passer ses troupes (s’abstenir) pour attaquer la France, alors qu’à l’inverse, la résistance héroïque de Liège (la seule ville au monde a avoir reçu, pour ce fait, la Légion d’honneur…) et de l’armée belge, permirent à l’armée française d’intervenir rapidement sur le sol belge et de ralentir l’offensive. Il faut y ajouter un conservatisme certain de la classe dirigeante allemande, très méfiante vis-à-vis des « caprices » des masses populaires.

Si à Ottignies, les exactions allemandes n’atteignirent pas le paroxysme de violence des cités-martyres évoquées, elles furent néanmoins suffisantes pour marquer durablement les esprits : la « rue de l’Invasion » fut rebaptisée ainsi après la guerre en souvenir des événements tragiques qui s’y étaient effectivement déroulés les 19 et 20 août 1914. C’est par cette rue, en effet, qu’un premier groupe de soldats allemands vint reconnaître le terrain aux abords de la gare d’Ottignies, objectif stratégique, et c’est par cette rue toujours que, après une escarmouche au « hameau de La Croix » qui fit deux victimes dans leur rang, ils revinrent en force pour se venger des hypothétiques francs-tireurs (en fait des éléments de la garde civique de Bruxelles et Morlanwelz) qui les avaient surpris : 68 maisons furent incendiées à la « rue de l’Invasion » et à la « chaussée de la Croix », jusqu’à Mousty, et plusieurs civils furent fusillés ; à Céroux, 27 maisons furent détruites et une centaine d’hommes, qui s’étaient réfugiés dans les « bois des Rêves » et de « l’Étoile », furent arrêtés pour être déportés (ils seront finalement libérés à Gembloux le 27 août). Une autre rue d’Ottignies au moins, située d’ailleurs sur le territoire de Louvain-la-Neuve, la « rue Arthur Hardy », qui a donné son adresse au golf, conserve la mémoire de ces jours sombres : c’est là que le garde chasse du « bois de Lauzelle », Arthur-Eugène Hardy, fut arrêté et fusillé le 21 août 1914, sous prétexte qu’il avait tiré sur des soldats allemands qui passaient dans le bois.

Bibliographie : R. Baumann, Wavre, Août 1914, dans WAV, 1999, n° 1-2, p. 3-50 ; J. Horne et A. Kramer, German Atrocities, Dublin, 2001 (traduction : Les atrocités allemandes, Paris, 2005 ; J. Martin, La ville de Wavre et sa région pendant la guerre 1914-1918, dans WAV, 2003, n° 6, p. 260-272 ; OTA1, p. 109-110 ; J. Tordoir, Août 1914. Actes de barbaries perpétrés à l’égard des civils. Publication de sources, ibid., 2009, n° 3, p. 114-137 ;  Van Ypersele, La Belgique héroïque et martyre, une mémoire exclusivement francophone ?, dans Images et paysages mentaux des XIXe et XXe siècles, de la Wallonie à l’Outre-mer (Université catholique de Louvain. Publications de la Faculté de philosophie et lettres, Collection Temps et Espaces, n° 7), sous la dir. de L. Courtois, J.-P. Delville, F. Rosart et G. Zelis, Louvain-la-Neuve, 2007, p. 130-144.

L. Courtois

→    Hardy.

              

              

Classé dans : L'Hocaille