Les rues de LLN
place de l'Université
Université
Université (place de l’) D6
Conseil communal du 28 octobre 1975.
Toponyme créé (descriptif lié à la situation).
* Thème des toponymes descriptifs.
* Thème du passé universitaire.
La « place de l’Université », dont le nom a été préféré à « place Jean XXIII », est une importante place publique, sur laquelle s’ouvrent les « Halles universitaires », siège administratif de l’Université.
* À la fin du Moyen-Âge, un ensemble de facteurs, parmi lesquels l’émergence des États et leurs besoins en personnel administratif, provoque un mouvement de fondations universitaires dans lequel s’inscrit tout naturellement celle de Louvain. Comme la plupart de ses consœurs médiévales, cette dernière est née d’une initiative princière et bourgeoise, sanctionnée par la papauté, qui peut seule à l’époque octroyer le privilège d’érection d’une université. Arrêté par le duc de Brabant Jean IV, le projet est d’abord rejeté par les Bruxellois, qui y voient une menace pour la vertu de leurs filles, avant d’être adopté par les Louvanistes, pour qui l’installation d’une université apparaît comme un moyen de sortir de la crise drapière qui frappe leur ville depuis plusieurs décennies. Guillaume Neefs, écolâtre du chapitre de Saint-Pierre, est alors envoyé à Rome comme messager porteur d’une supplique et, moins de deux mois après son départ de Louvain, il obtient du pape Martin V la bulle de fondation, datée du 9 décembre 1425. Elle autorise l’ouverture de quatre facultés : arts (philosophie et sciences naturelles), droit canonique, droit civil et médecine ; elle enjoint au duc de Brabant, à la ville et au chapitre de transférer leurs droits de juridiction au recteur ; elle oblige le duc et la ville à pourvoir aux locaux et aux traitements des professeurs ; enfin, elle énonce les privilèges du studium et de ses membres. L’Université est inaugurée solennellement en septembre 1426 et les premiers cours débutent le mois suivant. L’érection d’une faculté de théologie, qui fait de Louvain une université complète, est obtenue quelques années plus tard, en 1432. Malgré un certain nombre de tentatives d’intervention du pouvoir civil, qui se feront plus directes à la fin du XVIIIe siècle, sous Joseph II, c’est sous ce régime médiéval que l’Université de Louvain traversera tout l’Ancien Régime, jusqu’à sa suppression par le Régime français en 1797.
À Louvain, la suppression de l’Université avait laissé un grand vide, mais c’est en vain que les autorités communales tentèrent d’obtenir du gouvernement français l’implantation d’un nouvel établissement d’enseignement supérieur : on lui préféra Bruxelles. En 1806, une « École de droit » s’y installa et, à partir de 1810, une « Académie » comprenant, outre l’École de droit, deux facultés de lettres et de sciences. Le développement de ces facultés demeura toutefois embryonnaire et le bilan du Régime français en matière universitaire s’avère très décevant.
En 1814-1815, au traité de Vienne, les anciens Pays-Bas du Sud furent détachés de l’Empire français et réunis aux Pays-Bas du Nord, à charge pour le roi Guillaume Ier d’opérer l’« amalgame » et de constituer un nouvel état susceptible de faire barrière aux prétentions françaises. Dans certains milieux louvanistes demeurés attachés à l’ancienne Alma mater, on espérait pouvoir restaurer purement et simplement l’antique studium generale, mais la politique universitaire du nouveau régime se développa dans un cadre exclusivement étatique et fortement centralisé. Après des discussions délicates sur le nombre d’universités à ouvrir dans les provinces du Sud et sur leur lieu d’implantation, la décision tomba en septembre 1816 : le Sud aurait trois universités d’État, à Louvain, Gand et Liège. Louvain aurait dû théoriquement compter cinq facultés, mais l’érection d’une faculté de théologie dans le contexte hollandais posait de tels problèmes qu’elle fut postposée. L’ouverture solennelle eut lieu le 6 octobre 1817, dans des conditions très difficiles en raison du manque d’infrastructures et de personnel. En 1825, Louvain se vit doter d’un Collegium Philosophicum, établissement para-universitaire d’État censé remplacer les classes terminales des petits séminaires, ce qui suscita l’ire des milieux ecclésiastiques : désormais, les catholiques prirent ouvertement position contre la politique scolaire de Guillaume Ier et se rapprochèrent des libéraux sur un programme de libertés qui allait triompher avec la révolution belge de 1830.
Mettant d’emblée à profit la liberté d’enseignement proclamée par la nouvelle constitution, les catholiques couvrirent le pays d’un réseau d’écoles primaires et secondaires confessionnelles dont une université devait apparaître tôt ou tard comme le parachèvement logique. L’idée de restaurer l’antique Université de Louvain dans le cadre de la liberté constitutionnelle d’enseignement fit vite son chemin et le principe en fut arrêté par les évêques belges dès leur réunion d’octobre 1832. Université libre, la nouvelle institution ne pouvait être qu’indépendante de l’État ; catholique, elle ne pouvait être placée que sous l’autorité directe de l’Église, c’est-à-dire des évêques. Mais quels devaient être ses rapports avec Rome ? L’université d’Ancien Régime n’avait-elle pas été érigée par la papauté et, dans un esprit de continuité, ne fallait-il pas soumettre la création de la nouvelle université à son approbation ? Par ailleurs, l’érection d’une université catholique dans le cadre d’un régime de libertés était-elle légitime et ne fallait-il pas en faire approuver le principe même par l’autorité romaine ? Présenté à Rome, le projet fut approuvé par un bref de Grégoire XVI en décembre 1833 et la nouvelle université ouvrit ses portes à Malines en octobre 1834, Louvain étant alors encore le siège d’une université d’État. En fait, les évêques avaient spéculé sur la rationalisation prochaine de l’enseignement supérieur et sur la suppression par le gouvernement de son université de Louvain. Celle-ci intervint avec la loi organique sur l’enseignement universitaire du 27 septembre 1835 et dès le mois de décembre, l’Université catholique fut transférée de Malines à Louvain. Placée sous l’autorité directe des évêques belges, qui étaient en principe habilités à prendre seuls toutes les décisions, la gestion courante en était assurée par le recteur, nommé à vie, et qui bénéficiait d’un pouvoir quasi absolu au sein de l’institution. Dans la pratique, le recteur, beaucoup mieux au courant de la vie de l’institution et des problèmes universitaires que les évêques, devint vite la figure centrale de l’Université.
Ce mode de fonctionnement perdura jusqu’à la crise des années 1960, à la fin du rectorat de Mgr Van Waeyenbergh : avec la complexité croissante des problèmes de recherche et l’augmentation rapide du nombre d’étudiants, il était devenu impossible à une seule personne de faire face et des réformes de structures s’imposaient. Tandis que l’on procédait au remodelage des institutions (effacement de l’épiscopat transformé en simple pouvoir organisateur, création d’un Conseil académique, émanation de la communauté universitaire, etc.), le problème de l’« expansion universitaire » allait déboucher sur une des crises les plus graves que l’Université ait connu : débattue à un moment où la communauté flamande se battait pour l’homogénéité culturelle de la Flandre (cfr les lois linguistiques de 1962-1963), l’expansion universitaire allait vite apparaître aux yeux du mouvement flamand comme une chance à saisir pour circonscrire l’influence francophone à Louvain. Puisqu’il était question d’une décentralisation de l’Université en dehors de la ville, pourquoi ne pas en profiter pour transférer les candidatures francophones, par exemple, en Wallonie ? Malgré la nomination d’un recteur parfait bilingue, Mgr Albert Descamps, le climat devint de plus en plus tendu. Après des années de discussions souvent houleuses et des réformes allant dans le sens d’une autonomie croissante des deux régimes linguistiques, l’épiscopat finit par abandonner au pouvoir politique la solution d’un problème qui le dépassait de plus en plus. En 1968, ce dernier trancha en faveur d’un transfert intégral de la section francophone en Wallonie et à Bruxelles (où l’installation de la Faculté de médecine francophone avait déjà été programmée antérieurement). Bien décidée à relever le défi, l’Université catholique de Louvain choisit de s’installer à Ottignies, dans une ville nouvelle à créer, Louvain-la-Neuve, tandis que la Katholieke Universiteit Leuven demeurait à Louvain et à Courtrai, où elle avait entrepris la construction d’un campus pour des candidatures en philosophie et lettres dès 1965. Pour les francophones, ce fut le début du « Grand dessein », comme l’a nommé Michel Woitrin, administrateur général de l’Université à l’époque et grand artisan, avec le recteur Édouard Massaux, du transfert.
Bibliographie : Sur l’Université catholique de Louvain et son histoire, voir R. Aubert, A. d’Haenens, E. Lamberts, M.-A. Naulaerts, J. Paquet et J.-A. Van Houtte, L’Université de Louvain. 1425-1975, Louvain-la-Neuve, 1976. Cette synthèse, qui avait paru également en néerlandais et en anglais, a fait l’objet d’une mise à jour par la Katholieke Universiteit Leuven (De Universiteit te Leuven. 1425-1985 [Fasti academici, I], Leuven, 1986 [version de poche] ; version grand format en 1988 et version anglaise en 1990) et d’une publication complémentaire de l’Université catholique de Louvain (L’Université catholique de Louvain. Vie et mémoire d’une institution, sous la dir. d’A. d’Haenens, Bruxelles, 1992 ; disponible également en version de poche). Les ouvrages plus anciens conservent néanmoins leur intérêt : Cinquième centenaire de la fondation de l’Université de Louvain (1426-1926). L’Université de Louvain à travers cinq siècles. Études historiques, sous la dir. de L. van der Essen, Bruxelles, 1927 ; L. van der Essen, L’Université de Louvain (1425-1940), Bruxelles, 1945 ; Id., L’Université de Louvain. Son origine, son histoire, son organisation. 1425-1953, Bruxelles, 1953 ; V. Denis, Université catholique de Louvain. 1425-1958, Louvain, 1958 ; Id., Université catholique de Louvain. 1425-1958. Supplément 1958-1965, Louvain, 1965.
L. Courtois
→ Cinq cent cinquantième ; Descamps ; Doyens ; Halles universitaires ; Louvain-la-Neuve ; Massaux ; recteur ; Woitrin.