Les rues de LLN

Esplanade des Congrès

rue: Esplanade des Congrès
canton postal: 1348
localité: Louvain-la-Neuve
description:

Congrès

Congrès (Esplanade des) E5

Conseil communal du 3 septembre 2002.

Toponyme créé (toponyme descriptif).

* Thème des toponymes descriptifs.

Cette désignation est évidemment parfaitement adaptée à l’espace s’ouvrant à gauche de la « Grande Aula » [PV 53 et PV OL 3]. Elle fait néanmoins inéluctablement penser à « L’esplanade du Congrès », à Bruxelles, où se trouve la colonne du Congrès commémorant le Congrès national de 1830-1831, qui mit en place le nouveau Royaume de Belgique.

* Comme ses consœurs, l’Université de Louvain-la-Neuve s’est volontiers montrée réceptive quand il s’agissait d’organiser en ses murs l’un ou l’autre congrès scientifique — et quelquefois même politique. Cela se comprend : on y brasse beaucoup d’idées, on peut s’y profiler sur le plan international et on réussit parfois à y nouer des contacts utiles pour des congrès ultérieurs…

Ce type de manifestations, qui paraît aujourd’hui aller de soi dans les milieux académiques, était jadis et naguère limité à un étroit cénacle de diplomates commissionnés par leurs princes respectifs. Ils se réunissaient de loin en loin, dans des lieux soigneusement choisis (Vienne, Vérone, Laybach, Berlin,…), se concertaient entre gens distingués et se partageaient « quelques peuples » (dixit Chateaubriand) à grands coups de traités.

L’époque contemporaine, brisant ce cadre compassé, donna au peuple désormais « souverain » l’occasion de s’exprimer… par la bouche de ses représentants autorisés, réunis à leur tour en « congrès ». Le premier du genre fut celui de Philadelphie (1774-1776), initiateur à la fois d’une Déclaration des Droits et de l’Indépendance des États-Unis d’Amérique. Son retentissement fut considérable. Il inspira une pincée de lustres plus tard notre histoire en léguant son nom à la première assemblée « révolutionnaire » qui entendit donner une loi constitutive à nos régions : le « Congrès Souverain des États belgiques-unis ». Réuni à l’appel des États de Brabant et de Flandre en opposition grave à Joseph II, monarque lointain, trop réformateur et trop centralisateur à leur gré, ce Congrès réussit à établir le 11 janvier 1790 un traité d’Union articulant sur le mode confédéral une partie des différents comtés et duchés des Pays-Bas catholiques. Le Luxembourg n’y fut jamais représenté et le Limbourg n’y figura que contraint et forcé. Quant à la principauté de Liège, elle lui resta parfaitement étrangère. Minée par les dissensions internes, l’indépendance des États belgiques-unis dura moins d’un an, et le Congrès qui en avait accouché se dispersait en novembre 1790 avec le retour en force des régiments autrichiens. Son souvenir survécut pourtant à cette expérience malheureuse à travers les aléas de la Révolution, de l’Empire et du Royaume des Pays-Bas de Guillaume Ier. En effet, suite à la réussite inespérée de la Révolution belge d’août-septembre 1830, un autre Congrès, « national » celui-là, fut convoqué à Bruxelles en novembre de la même année. Les quelque 200 représentants qui y figurèrent, mandatés par un corps électoral censitaire saupoudrés de capacitaires (44 099 électeurs inscrits censés représenter 3 905 235 Belges potentiels), s’empressèrent, en entérinant l’indépendance proclamée peu avant, de s’ériger en assemblée « souveraine ». Au cours des mois suivants, lors du choix d’un monarque et de la fixation des frontières du nouveau royaume, on vit bien que cette souveraineté était mesurée à l’aune des intérêts des principales puissances européennes, Grande-Bretagne en tête.

Que resta-t-il finalement des travaux du Congrès national ? Une dynastie dont le chef de file avait été appelé au trône sur la « suggestion amicale » de Londres et une constitution « libérale » à la Louis-Philippe qui faisait la part belle aux notables. Pleins de gratitude, ceux-ci la chantèrent sur tous les tons en la présentant comme la plus équilibrée et la plus moderne. Elle ne peut en tout cas pas transformer le nouvel État en une véritable nation, et l’essentiel de l’œuvre du congrès est aujourd’hui à peu près caduc.

Il nous restera peut-être in fine de cette illusion Belgique un monument d’art officiel, la « colonne du Congrès », ci-devant « colonne de la Constitution ». Réalisation de Joseph Poelaert, elle se dresse dans la capitale depuis septembre 1859 après une pénible maturation. Haute de 47 mètres, couronnée d’une statue de Léopold Ier, dotée d’un fût cannelé, de quatre figures symboliques représentants les libertés garanties par la Constitution et de deux lions de bronze menaçants, elle est diversement appréciée sur le plan artistique. Certains y voient le frémissement de l’éclectisme dans notre pays ; d’autres la tiennent pour un dessus-de-cheminée paraphrasant maladroitement la « Colonne de Juillet », à Paris. Affaire de goût…

À peu près tout le monde est passé ou passera à proximité, jetant un regard distrait vers la Tombe du Soldat Inconnu qui a été inhumé à son pied le 11 novembre 1922. Cela lui valut, un assez long temps, un regain d’intérêt et d’hommage populaires. Puis…

Bibliographie : J. d’Osta, Dictionnaire historique et anecdotique des rues de Bruxelles, Bruxelles, 1995, p. 84-86 ; Th. Juste, Histoire du Congrès national de Belgique ou la fondation de la monarchie belge, 2 vol., Bruxelles, 1850 ; F.T., Cinquième tiroir aux souvenirs, Bruxelles, 1971, p. 192 sv. ; E. Van Bemmel, La Belgique illustrée, Bruxelles, 1885, p. 48.

A. Colignon

     

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