Les rues de LLN
Collège Léon-H. Dupriez
Dupriez
Dupriez (Auditoires) E5-E6
Dupriez (Collège Léon-H.) E5-E6
Conseil communal du 25 février 1975.
Toponyme créé (toponyme indirectement descriptif).
* Thème du passé universitaire.
* Thème des toponymes descriptifs.
Ce n’est évidemment pas par hasard que l’Université a choisi de donner le nom de Léon[-Hugo] Dupriez à un de ses bâtiments abritant l’Institut de Recherches économiques et sociales (IRES), bien connu du public pour ses analyses de la conjoncture : c’est le nom de son fondateur.
* Professeur d’économie à l’Université catholique de Louvain, Léon Dupriez est né à Louvain le 19 octobre 1901 et décédé à Ottignies le 13 octobre 1986. Docteur en droit et docteur en sciences politiques et sociales de l’Université de Louvain, il était le fils Léon Dupriez (1863-1942), juriste, lui aussi professeur à Louvain. Après avoir parachevé sa formation aux Université de Berlin et de Harvard, il entre en 1927 au service d’études économiques de la Banque nationale et présente bientôt, à Louvain, une thèse de doctorat très novatrice en sciences politiques et sociales relatives aux Méthodes d’analyse de la conjoncture économique et leur application à l’économie belge depuis 1897. Nommé professeur à Louvain l’année suivante (1928), il y fonde l’Institut de Recherches économiques (IRE), un institut annexé à la Faculté de droit spécialisé en sciences économiques appliquées, qui se consacre à l’analyse conjoncturelle (l’Institut devient d’emblée une référence en la matière) et à l’analyse sectorielle (entre 1929 et 1939, tous les secteurs de l’économie belge sont passés au crible). En 1941, cet Institut intègre une équipe de chercheurs en sciences sociales et prend son nom actuel. En 1950, il intégrera la nouvelle Faculté des sciences économiques et sociales, bientôt rebaptisée Faculté des sciences économiques, sociales et politiques (1967).
Spécialisé dans l’étude des cycles économiques, Léon Dupriez publie en 1947 un ouvrage fondamental dans ce domaine (Des mouvements économiques généraux ; 2e éd., 1951 ; 3e éd., 1966), qui assoit définitivement sa renommée internationale. Il reprendra la matière en 1959, mais dans une perspective plus doctrinale (La philosophie des conjonctures économiques). La question fondamentale qui est au centre de ses réflexions est de déterminer comment on peut concilier les théories classiques de l’équilibre avec l’existence de cycles économiques et de crises. Sa théorie générale est originale et le place au niveau des grands penseurs économiques de son temps. Elle s’appuie sur une critique radicale de la théorie classique de Jean-Baptiste Say (1767-1832), la loi des débouchés, selon laquelle la production est toujours d’emblée à l’équilibre, puisque, du simple fait de produire, le producteur crée par la rémunération de ses employés le pouvoir d’achat nécessaire à l’achat de ses produits… Pour Dupriez, il s’agit d’un principe théorique qui n’intègre pas le facteur des prix et qui ne peut se vérifier que sur une très longue période à circulation monétaire constante. Il décrit en fait un état limite théorique jamais atteint : dans la pratique, la conjoncture ponctuelle est toujours caractérisée par un déséquilibre de l’offre et de la demande, ce qui se répercute immédiatement sur les prix, le volume des échanges, le volume de la production, le volume et la vitesse de circulation de la monnaie. D’où les crises. Mais si l’état ponctuel du système économique est toujours le déséquilibre, cependant, il est sans cesse mû par la quête de l’équilibre et donc perpétuellement en mouvement : le mouvement séculaire, porté par la croissance, qui nécessite une perpétuelle redistribution des facteurs de production (adaptations et restructuration) ; les mouvements de longue durée (Kondratieff), liés à la réalisation de grandes innovations techniques ; les cycles courts, impulsions immédiates ne visant pas à l’équilibre. De là une vision globale de l’économie que l’on peut qualifier de « personnaliste », parce que l’initiative humaine y est déterminante : « les tendances à l’équilibre ne sont qu’un des deux vecteurs de force entraînant l’activité économique : le vecteur ‘ajustement’. L’autre vecteur est celui des ‘initiatives’, celui des actes par lesquels les hommes tentent individuellement ou collectivement de maîtriser leur devenir.
Au-delà de la fécondité de sa pensée, consacrée par de nombreuses distinctions (Prix Francqui en 1948 ; Prix décennal des sciences sociales en 1955 ; etc.), Léon Dupriez fut aussi le maître d’une école, l’IRES, qui a formé une pléiade de disciples qui s’illustreront dans la gestion publique, l’université et l’entreprise (Albert-É. Janssen, Paul van Zeeland, Fernand Baudhuin, Robert Triffin, Gaston Eyskens, etc.). Ce fut aussi un homme d’action, qui joua un rôle important dans la définition des politiques économiques au lendemain de la Grande Crise (dévaluation de 1935) et de la Seconde Guerre mondiale (réforme monétaire de 1944) et qui fut le consultant écouté de grands organismes financiers, bancaires et industriels. Il fit également partie de la Commission de la Communauté européenne du Charbon et de l’Acier qui recommanda, dès 1952 l’adoption du système de la taxe sur la valeur ajoutée et joua aussi un rôle important dans la conception du barrage hydro-électrique d’Inga au Zaïre.
Bibliographie : NBN, t. V, p. 140-143 ; Problèmes économiques contemporains. 45 années d’expérience, sous la dir. de P. Löwenthal, Louvain, 1972, p. 13-27 et p. 29-53 ; P. Olbrechts, La recherche en mouvement, d’une approche historico-institutionnelle à l’autonomisation : la recherche en sciences économiques à l’IRES (1928-2000), dans La recherche, passions, pratiques, parcours. La communauté scientifique à l’UCL depuis 1834. Catalogue réalisé à l’occasion de l’exposition au Forum des Halles, à Louvain-la-Neuve, du 8 au 21 mars 2001 (Publications des Archives de l’Université catholique de Louvain, 2), sous la dir. de V. Fillieux et F. Hiraux, avec la coll. de C. Derycke et F. Mirguet, Louvain-la-Neuve, 2001, p. XXX.
L. Courtois