Les rues de LLN
rue Camille Lemonnier
Lemonnier
Lemonnier (rue Camille) [abandonné, D6-D7]
Conseil communal du (/).
Toponyme créé (toponyme non descriptif).
* Thème des littérateurs wallons ou régionalistes.
* Thème de la littérature belge de langue française.
La Commission de toponymie avait proposé ce nom pour la rue principale du futur centre commercial [PV 41], mais cette proposition n’a pas été retenue, pas plus que la « rue des Halles » [PV 42]…
* Romancier, conteur, dramaturge, critique d’art, nouvelliste, essayiste... Il a collaboré à de nombreuses revues littéraires qui contribuèrent au renouveau des lettres en Belgique. Il a été un des plus importants collaborateurs de La Jeune Belgique (1881-1897), aux côtés d’Eekhoud, Rodenbach et Verhaeren. Dans ses œuvres, il a dépeint avec un réalisme frappant le monde paysan (par exemple Un Mâle), la misère ouvrière (Happe-Chair) et la société bourgeoise (La Fin des Bourgeois). Il a également rendu hommage à son pays dans des ouvrages comme Nos Flamands et La Belgique.
Camille Lemonnier est né le 24 mars 1844 à Ixelles. Son père, originaire de Louvain, est avocat à la Cour d’appel de Bruxelles. Sa mère est issue d’une famille de paysans et de commerçants de Saint-Job. À la mort de leur mère, Camille, alors âgé de deux ans, et sa sœur, sont éduqués par leur grand-mère maternelle. Selon lui, « l’atmosphère de la maison était bien flamande ». Le caractère flamand, l’attachement à la terre, imprégnera souvent l’atmosphère de son œuvre. En 1855, il commence des études latines à l’Athénée royal de Bruxelles, qu’il réalise médiocrement. Son père désire qu’il choisisse la même carrière que lui. C’est pourquoi il le fait inscrire en 1861 en candidature de philosophie et lettres préparatoire au droit, à la Faculté de philosophie et de lettres de l’Université libre de Bruxelles. Mais Camille ne veut pas devenir un homme de loi, il sera écrivain. Dès 1862, Charles De Coster l’admet à L’Uylenspiegel. Il y publiera quelques contes et collaborera avec ce journal jusqu’en décembre 1869. Entre-temps, il s’intéresse à la critique d’art et publie en 1863, à l’occasion de l’Exposition générale des Beaux-Arts, le Salon de Bruxelles. Son père voit d’un mauvais œil la direction que la carrière de son fils prend et le pousse à entrer comme surnuméraire au gouvernement provincial du Brabant. Malgré une promotion, il ne peut se résoudre à oublier les lettres, aussi démissionne-t-il.
En 1869, il écrit Nos Flamands. Lemonnier se sent flamand malgré son patronyme. À la mort de son père en 1869, il loue avec sa part d’héritage un vieux manoir à Burnot, entre Dinant et Namur, où il est séduit par le paysage. Il garde cependant une résidence à Bruxelles. En 1870, son premier Salon de Paris paraît sous forme de feuilletons dans Le Peuple belge, réunit ensuite en un volume reçu favorablement par les peintres de Paris et de Barbizon. Il y défend le naturisme en art. La même année, il publie Jeanne la Rousse, un conte, dans le Revue de Belgique (conte repris dans le recueil Histoires de gras et de maigres). Presque en même temps, les Croquis d’Automne paraissent à Paris. Mais la guerre franco-allemande fait rage. Sedan, publié en 1871, sorte de roman-reportage dans lequel il relate ses impressions, critique farouche de la guerre, sera à nouveau édité dix ans plus tard sous le titre Les Charniers. Il se marie alors avec Julie-Flore Brichot, de Binche, avec qui il aura deux filles, Marie et Louise. Lemonnier crée à Bruxelles L’Art universel, dont le premier numéro sort en février 1873 et qui paraît jusqu’en juin 1876. Lemonnier y édite principalement des contes et des chroniques artistiques et littéraires. Pendant la même période, il publie plusieurs recueils de contes : Contes wallons et flamands (1873), Histoire de gras et de maigres (1874), Derrière le rideau (1876), En Brabant (1877). Lemonnier nous rapporte les travaux et les us et coutumes des personnages qu’il dépeint, comme dans Un coin de village, histoires de paysans brabançons.
En juin 1880, il déménage avec sa famille près de la forêt de Soignes et du bois de la Cambre, nature pour laquelle il a un penchant particulier. Il décrit longuement, dans ses romans, l’environnement de ses personnages, sorte de translation symbolique de leurs états d’esprit. Le journal bruxellois L’Europe politique, économique et financière publie d’octobre à décembre 1880 Un Mâle. En octobre 1881, année pendant laquelle Lemonnier se sépare de sa femme, Un Mâle est édité en volume. Ce roman est l’une de ses plus grandes œuvres. Il est applaudi malgré le scandale que provoque sa sortie. Après le refus du jury du prix quinquennal de littérature d’attribuer un prix en 1883, les écrivains de La Jeune Belgique décident d’organiser un banquet en son honneur. Depuis 1882, ceux-ci le considèrent comme un maître et se retrouvent souvent chez lui. Plus de deux cents personnes seront présentes. C’est à cette occasion que Rodenbach qualifie Lemonnier de « Maréchal des Lettres belges », surnom par lequel il est encore connu aujourd’hui. En juillet de la même année, il épouse en secondes noces Valentine Collait, la nièce de Gustave Courbet. Il auront un fils qui ne survivra pas. Il s’installe alors, et pour douze ans, à La Hulpe. En 1886, il publie le roman Happe-Chair, roman inspiré par les mouvements sociaux qui ébranlent la Belgique à l’époque, et reçoit le prix quinquennal de littérature pour La Belgique, édité en 1888 par Hachette. Profondément marqué par les grèves qui ont agité le pays en 1886, les convictions sociales de Lemonnier deviennent de plus en plus fermes. En juin 1888, L’Enfant-Crapaud qui commence à paraître à la une dans le Gil Blas fait scandale et il est condamné pour atteinte aux bonnes mœurs. Après cet épisode, le Gil Blas passe contrat pour plusieurs années avec Lemonnier, qui prend donc un appartement dans la ville lumière pour y résider plusieurs mois par an, pendant l’hiver. Madame Lupar, dont l’action a lieu à Paris, paraît en volume après avoir été publiée d’abord dans un périodique. C’est peut-être le premier roman dans lequel Lemonnier critique la dépravation des mœurs bourgeoises. Le thème de la décadence se retrouve en 1890 dans Le Possédé. En 1892, La Fin des Bourgeois, où il évoque le Pornocratès de son ami Félicien Rops, est moins apprécié par la critique. En février 1893, le Gil Blas illustré publie la nouvelle, L’Homme qui tue les femmes, dont le thème est inspiré de Jack l’Éventreur, et pour lequel il sera poursuivi par le Parquet de Bruxelles, encore une fois pour atteinte aux bonnes mœurs. Cette fois, il sera acquitté. L’Arche. Journal d’une maman, paru d’abord dans Le Figaro, sort en 1894. Il s’agit à nouveau d’une étude de la déchéance d’une famille bourgeoise, sauvée de l’opprobre seulement grâce à la constance de Madame de Cléricy, la mère de famille. Dans le courant de la même année, Lemonnier quitte La Hulpe pour revenir à Bruxelles. Par la suite, l’influence parisienne s’estompe et il produit des ouvrages inspirés par son pays, par exemple dans La Vie belge (1905).
Lemonnier est toujours extrêmement prolifique pendant les vingt dernières années de son activité littéraire. L’Homme en amour (1897), qui appelle Le Possédé en écho, sera lui encore jugé une atteinte aux bonnes mœurs par le Parquet de Bruges, de même que l’Escal-Vigor d’Eekhoud. Le procès a lieu en 1900, Eekhoud et Lemonnier sont acquittés. La légende de Vie. L’Île Vierge (1897), Adam et Ève (1899) et Au cœur frais de la forêt (1900) sont tous trois d’inspiration naturiste. Dans ce dernier, grâce à leur vie retirée, au cœur de la forêt, les personnages du roman redécouvrent les arcanes d’une existence paisible, bien que quelques aléas conduisent certains à entrer à nouveau en contact avec le monde « civilisé ». Le Vent dans les moulins (1901) décrit l’éveil de la conscience sociale de paysans endoctrinés par le socialiste chrétien Flanders et son disciple Dries Abeels. Une Femme (1899) raconte le triste sort de Suzy Herbrand obligée de se marier à Titus, comte de Montaiglon, pour sauver l’usine de son père de la ruine. Quand j’étais un homme. Cahier d’une femme (1908) est l’histoire d’une adolescente orpheline livrée à un parent lubrique. Elle parvient à se maintenir pure malgré les avilissements qui l’entourent. Dans Les deux consciences, paru en 1902, Lemonnier évoque le procès de Bruges. On y voit s’affronter la conception païenne de la vie (celle de Lemonnier alias Wildmann) et la conception chrétienne pétrie d’intolérance. En juin 1903, il emménage à Ixelles et fait paraître chez Ollendorf, Le petit Homme de Dieu, paru l’année précédente dans La Revue de Paris. Le récit évoque la procession des pénitents à Furnes, tradition remontant au XVIIe siècle, et démontre combien il s’était imprégné de l’ambiance de la ville west-flandrienne. Bruges, autre ville flamande, l’inspirera également et servira de décor à La Chanson du carillon (1911), émouvant récit de la vie d’une petite handicapée.
Camille Lemonnier a toujours éprouvé un grand intérêt pour l’art, en particulier la peinture. Il a écrit des monographies d’artistes belges et des articles de critique artistique pour des revues parisiennes, telle la Gazette des Beaux-Arts et les Chroniques des Arts et de la Curiosité, et pour des périodiques belges, comme La Revue de Belgique. Certains de ses textes ont donné lieu à des pièces de théâtre, dont il avait écrit en collaboration le scénario. Camille Lemonnier fut célèbre et célébré de son vivant, et aura été l’un des principaux écrivains belges de langue française de son époque. Il décède à Ixelles le 13 juin 1913. Un Musée Camille Lemonnier, situé Maison des écrivains à Ixelles, reconstitue son cabinet de travail tel qu’il était dans sa dernière demeure (26, rue du Lac à Ixelles). Il existe par ailleurs de nombreuses « rue Camille Lemonnier » en Belgique, ainsi que des monuments à sa mémoire (Esneux, Bruxelles).
Bibliographie : P. Aron, Camille Lemonnier : critique d’art et stratégie littéraire, dans Le naturalisme et les lettres françaises de Belgique, (Revue de l’Université de Bruxelles, t. IV-V), Bruxelles, 1984, p. 119-128 ; Id., Les Écrivains belges et le socialisme (1880-1913) (Archives du futur), Bruxelles, 1985 ; NBN, t. II, p. 254-262 ; C. Hanlet, Camille Lemonnier, le Zola belge, Liège, 1943 ; A.-F. Luc, Camille Lemonnier, féministe plus que naturaliste, dans Le Naturalisme belge, Bruxelles, 1990, p. 95-121 ; G. Rency, Camille Lemonnier, 1844-1944. Son rôle, sa vie, son œuvre, ses meilleures pages, Bruxelles, 1944.
S. Lemaître
→ Halles.