Les rues de LLN
boucle de Roncevaux
Roncevaux
Roncevaux (boucle de) D6
Conseil communal du 30 septembre 2005.
Toponyme créé (toponyme non descriptif).
* Thème des figures de nos régions.
* Thème du patrimoine européen et universel.
* Thème du folklore et des traditions populaires de Wallonie.
* Évocation de la bataille du 15 août 778 au cours de laquelle, selon le chroniqueur Eginhard, l’arrière-garde de l’armé de Charlemagne sous la conduite de Roland fut massacrée au col de Roncevaux, dans les Pyrénées. Située à proximité de la « rue Charlemagne », elle évoque, comme le « cour Durendal », le plus célèbre des carolingiens et le folklore wallon qui s’y rattache [PV OL 3]. Charlemagne étant considéré comme un des pères fondateurs de l’Europe, il est logique de trouver dans la même zone une « rue de l’Union Européenne » ou une « rue du Traité de Rome »…
Curieusement, la bataille la plus connue de Charlemagne, figure archétypale du monarque victorieux, est une défaite : Roncevaux (en esp. : Roncesvalles). C’était le 15 août 778. Dans un sombre col pyrénéen, l’arrière-garde de l’armée franque, commandée par le comte Roland (ou Rodland), « préfet » de la Marche de Bretagne, fut taillée en pièces par « les Gascons » disent les chroniqueurs, « les Sarrazins » assurent les chansons de geste. Des milliers d’hommes dont Roland, mais aussi le palatin Anselme et le comte Aggiard, auraient trouvé la mort dans cette confrontation malheureuse.
Comment en était-on arrivé là ? Jusqu’à ce moment, Charlemagne ne s’était pas montré spécialement hostile aux musulmans d’Espagne, d’autant plus qu’il avait du fil à retordre au Nord avec les Saxons. Mais alors qu’il se trouvait à Paderborn, en Germanie, il avait reçu une ambassade pleine de promesses du gouverneur « arabe » de Barcelone, Sulayman ben Yaqzan, en dissidence larvée avec son suzerain, l’émir de Cordoue Abd-al-Rahman. Le « deal » était simple : Charlemagne aiderait Sulayman à s’emparer de Pampelune et de Saragosse, tenues par des chefs de clan d’origine wisigothique peu ou prou islamisés, et celui-ci constituerait, face à l’émirat de Cordoue, un puissant État entre Pyrénées et Èbre, ami du royaume franc… en attendant mieux. Charlemagne hésita longtemps, la situation politique dans cette région tenant du panier de crabes. Finalement, il ne se décida à partir à la tête de ses troupes qu’en avril 778.
Faute d’une bonne coordination avec Sulayman, il dut se contenter de dégager Pampelune des clans islamisés qui la menaçaient, les Banu Qassi, les Banu Zuhra, les Amrûssi, quitte à la piller quelque peu et à abattre ses remparts afin d’éviter des mauvaises surprises. Or pour le reste, l’expédition tourna court. Il trouva en effet à Saragosse portes closes et remparts garnis de défenseurs, et faute de matériel pour mener un siège en règle, il préféra en rester là. S’il faut en croire son biographe Eginhard, c’est sur le chemin du retour, alors que le gros de la troupe avait déjà franchi les Pyrénées que l’arrière garde fut attaquée par des Vascones, des Vascons (des Basques ?) d’Espagne, tandis qu’elle cheminait lentement, étirée dans l’étroite passe de « Roncevaux » (on penche plutôt aujourd’hui pour les cols de Bentarte, plus à l’est). Liés aux Banu Qassi qui venaient d’être étrillés par Charlemagne, ces Vascons entendaient les venger et récupérer par la même occasion des otages traînés vers le Nord par l’armée franque. Le reste de l’histoire est connue, beaucoup plus par la chronique espagnole du monastère de San Millan que par les Annales carolingiennes, fort discrètes sur cette malaventure.
Les choses auraient pu en rester là, et le silence retomber à jamais sur le site de Roncevaux. Or, à la fin du Xe siècle, Charlemagne et son empire étant trépassés depuis longtemps, un regain d’agressivité des Sarrazins d’Espagne en direction des Asturies (destruction du premier sanctuaire de Saint-Jacques, à Compostelle) et de la vallée inférieure de l’Èbre (sac de Barcelone), ravivèrent les craintes dans le Royaume de France, d’autant plus qu’on apprenait en 1009 la mise à mal du Saint-Sépulcre de Jérusalem par les « Sarrazins » orientaux. Travaillées par une véritable fièvre obsidionale, une partie des populations françaises, mobilisées par l’Église, se montra de plus en plus réceptive à l’idée de « guerre sainte ». Dans ce climat tendu, l’épisode secondaire de Roncevaux fut redécouvert et réactivé sous la forme d’une épopée parcourue d’un puissant souffle guerrier : la Chanson de Roland était née du péril et de la foi. Cette œuvre chantée, composée vraisemblablement vers 1060-1070 en pays anglo-normand, campait pour l’éternité Roland en héros chrétien fidèle jusqu’à la mort à son Dieu, à son souverain et à sa patrie, la « doulce France ». Et désormais, dès que celle-ci se sentira menacée au cours de l’histoire, elle aura tendance à se reconnaître dans la geste de Roland et de ses preux compagnons, jetant leurs ultimes forces dans un combat désespéré.
Si Roncevaux n’a pas laissé de traces particulières dans la toponymie de nos régions, ce nom figure en pointillé dans la mémoire culturelle de l’Occident chrétien depuis dix siècles, ou à peu près : « Hauts sont les monts, obscures les vallées… ».
Bibliographie : B. Leroy, La Navarre au Moyen-Âge, Paris, 1984 ; R. Mussot-Goulard, Roncevaux. Samedi 15 août 778, Paris, 2006 ; P. Narbaitz, Orria ou la bataille de Roncevaux (15 août 778), Zabal, 1978 ;
A. Colignon
→ Charlemagne ; Cheval Bayard ; Durendal ; Montauban.