Les rues de LLN
rue de Villers
Villers
Villers (rue de) B7
Conseil communal du 16 septembre 1980.
Toponyme créé (toponyme non descriptif).
* Thème du patrimoine religieux wallon.
« Rue de Villers » évoque l’importante abbaye cistercienne de Villers-la-Ville.
* L’abbaye cistercienne de Villers (commune de Villers-la-Ville) fut fondée en 1146 par treize moines et cinq convers, venus de Clairvaux et envoyés par saint Bernard. Ainsi que le prescrivait un statut des chapitres généraux de l’Ordre, la communauté s’installa dans une ébauche de monastère préalablement construite (Villers I) sur des terres données, pour les trois quarts, par Judith de Marbais, mère de Gauthier, qui reconnut la fondation, et, pour le quart restant, par Anselme de Hunefe et Engelbert de Schooten. Comme ce fut le cas pour beaucoup d’autres établissements cisterciens (Clairvaux, Fontenay, etc.), la première implantation ne fut que provisoire. En effet, dès le 23 janvier 1147, de commun accord avec Bernard, de passage à Villers à son retour d’Allemagne où il avait prêché la deuxième croisade, les moines décidèrent de se fixer environ 800 mètres plus bas dans la vallée, en bordure de la Thyle (Villers II). Avant de s’installer, ils firent reconnaître leurs biens par le pape Eugène III, en 1147, et par l’évêque de Liège, Henri de Leez, en 1153.
Tout au long des décennies suivantes, la communauté acquit, par donation, des biens importants. Après la mort de Bernard (1153), ces dons ne furent plus toujours conformes à l’esprit primitif de Cîteaux. Dès 1158, l’abbé Ulric acceptait des dîmes et, en 1160, il devenait, suite à la donation d’Engelbert de Schooten, co-seigneur de Schooten. En 1170, les bâtiments construits sur les rives de la Thyle ne répondaient plus au développement de la communauté. Celle-ci était cependant divisée sur l’emplacement exact des nouvelles constructions à entreprendre. La décision mit encore quelques années avant de devenir définitive. Mais elle était d’importance car, en 1197, l’abbé Guillaume démissionna. L’élection de son successeur se passa, à la fin du mois de mai, en présence des abbés de Clairvaux, Vaucelles, Bullion et Looz et du duc de Brabant Henri Ier qui, à cette occasion, confirma les biens de l’abbaye. Le choix se porta sur Charles de Seyn, moine de l’abbaye de Himmerod dans l’Eifel. Celui-ci commença des travaux (Villers III), qui allaient s’étendre sur trois quarts de siècle.
Le XIIIe siècle fut une époque de splendeur pour Villers, à la dimension de la ferveur du nouveau courant de spiritualité, né dans le diocèse de Liège et tout particulièrement à Nivelles, qui fut au départ du courant béguinal. L’abbaye assurera la direction spirituelle de plusieurs grands béguinages et recevra la paternité de nombreux monastères de cisterciennes. Elle fut la première communauté monastique à célébrer officiellement la fête du Saint-Sacrement et Julienne de Cornillon, la promotrice de cette solennité, demandera à être inhumée à Villers. L’abbaye tint également un rôle de premier plan dans le développement du culte du Sacré-Cœur. On doit à son 13e abbé, Arnould, le poème qui devint la prière la plus récitée en l’honneur du Sacré-Cœur, au cours du Moyen-Âge : il fut si célèbre qu’on voulut en attribuer la rédaction à Bernard. Villers fonda deux abbayes : Grandpré dans le Namurois, en 1231 et, en 1237, Saint-Bernard-sur-Escaut, à Vreemde d’abord et à Hemiksem ensuite.
Au niveau intellectuel, Villers ne fut pas en reste. Un catalogue de la bibliothèque dressé en 1309 renseigne 455 volumes, ce qui représente un nombre important pour l’époque. Jean de Bruxelles, abbé de 1333 à 1336, était maître et docteur en théologie de Paris et destiné à diriger le studium du Collège Saint-Bernard. Très tôt l’abbaye posséda un refuge à Louvain. Il fut restauré pendant l’abbatiat de Denis Van Zevendonck (1524-1545) et devint, en 1660, le Collège universitaire de Villers, sous l’abbatiat de Bernard Van der Hecken (1653-1666). C’est là que séjournaient les jeunes moines étudiant la théologie à l’Université.
Les possessions de Villers furent importantes. On les estime à près de 10 000 hectares à la fin du XIIIe siècle. Elles étaient réparties en quatre quartiers : Villers, Mellemont (Thorembais-les-Béguines), Velp (Louvain) et Schooten (Anvers). À la veille de la Révolution française, l’abbaye possédait encore 41 granges, dont la plupart cultivaient environ une centaine de bonniers.
Comme pour d’autres abbayes cisterciennes (Aulne, Orval, Clairvaux…), le XVIIIe siècle fut une époque de restauration, d’aménagement et de construction de bâtiments. Presque tous les abbés y contribuèrent. Le nom de Jacques Hache (1716-1734) est resté lié à la construction du nouveau palais abbatial. Dans la carte qu’il laissa en 1725, l’abbé de Clairvaux écrivait qu’il avait trouvé à Villers « une église remarquablement et religieusement ornée, les lieux du monastère et les riches équipements entretenus avec soin et diligence, les chambres d’hôtes particulièrement bien conçues et très belles et les autres lieux réguliers bien ordonnés ».
Un autre bâtisseur fut Martin Staignier. Il restaura plusieurs fermes et des églises dont le monastère de Villers était le décimateur et soutint les importants travaux entrepris à l’abbaye d’Argenton, dont Villers détenait la paternité et où Staignier avait rempli la charge de confesseur. L’abbé rencontra dans son abbaye l’opposition de six moines dont cinq flamands, qui provoquèrent un procès contre lui : on lui reprochait sa trop grande sévérité, son acharnement à construire et tout particulièrement ses dépenses en faveur d’Argenton, mais aussi son parti pris francophone. Staignier fut blanchi, mais il ne s’en remit pas et décéda. Un décret gouvernemental obligea l’abbaye à avoir au moins vingt-cinq moines flamands. Mais les religieux ne s’en laissèrent pas imposer. Ils rétorquèrent que Villers était un monastère entièrement wallon et qu’il existait suffisamment d’abbayes en pays flamand pour accueillir les candidats de Flandre et du Brabant. D’ailleurs on n’obligeait pas Affligem à recevoir des moines wallons, alors que cette maison dirigeait plusieurs maisons en pays wallon. La Révolution française marqua la fin de l’abbaye et, le 13 décembre 1797, les moines en furent expulsés.
Bibliographie : T. Coomans de Brachène, L’abbaye de Villers-en-Brabant. Construction, configuration et signification d’une abbaye cistercienne gothique, Bruxelles, 2000 ; É. de Moreau, L’abbaye de Villers-en-Brabant aux XIIe et XIIIe siècles, Bruxelles, 1909 ; G. Despy, Inventaire des archives de l’abbaye de Villers, Bruxelles, 1959 ; O. Henrivaux, Inventaire analytique des archives de l’abbaye de Villers à l’archevêché de Malines-Bruxelles, Villers-la-Ville, 1996 ; MB, t. IV, vol. 2, p. 341-406 ; Th. Ploegaert et G . Boulmont, L’abbaye de Villers pendant les cinq derniers siècles de son existence, dans Annales de la société archéologique de Nivelles, t. XI, 1926 ; Des traces qui nous parlent. 2e colloque du CHIREL-BW, 1985 ; Villers, 1996sv. (revue trimestrielle) ; Villers, une abbaye revisitée. Actes du colloque. 10-12 avril 1996, Villers-la-Ville, 1996.
O. Henrivaux
→ Oignies ; Ramée ; Valduc ; Florival.