Les rues de LLN
voie des Gaumais
Gaumais
[Gaumais (terrasse des)] [abandonné]
Gaumais (voie des) E6
Conseils communaux des 28 octobre 1975 (voie) et 26 juin 1979 (terrasse).
Toponyme créé (toponyme non descriptif).
* Thème des gentilés.
Dans le quartier du Biéreau, toute une série de toponymes évoquent les « pays » de la Wallonie, en nommant leurs habitants. « Gaumais » désigne non seulement les habitants de la Gaume, mais également le parler roman que l’on y parle, le « gaumais », une variété de lorrain qui correspond approximativement à l’arrondissement de Virton. En fait, la Lorraine belge (concept géographique : le prolongement belge de la Lorraine française, au sud de l’Ardenne), se répartit en deux zones linguistiques : outre la Gaume, romane, il y a le Pays d’Arlon (Arelerland) plus à l’est, qui se rattache par son dialecte germanique (le luxembourgeois, Lëtzebuergesch, du francique mosellan) à la sphère grand-ducale.
La « terrasse des Gaumais » n’a eu qu’une existence éphémère et a été rapidement intégrée dans la « voie du Roman Pays » (sur laquelle elle donnait, venant de la « voie des Gaumais »).
* Le nom de la région Gaume est assez récent : on l’a relevé en 1875 seulement ; il a été répandu dans les années 1890 par les écrits touristiques, puis, au XXe siècle, par l’enseignement de la géographie. À cette époque, il était rare dans la région elle-même. Il est issu de l’ethnique Gaumais, qui est attesté dans des notes rédigées par l’abbé Théodore-Henri Welter (1750-1823), curé de Chenois. La Gaume y est décrite de la manière suivante : « cette partie du Quartier-Wallon que les Ardennois appellent en leur langage le paijs des Gamois ou Gaumois, partie qui contient les vallées de la Semois, de la haute et de la basse-Vire, du Ton, de la Tonne et du Chiers ».
Gaumet est employé comme nom de personne dès le XVIIe siècle dans l’Ardenne méridionale ; ainsi des documents de la région de Neufchâteau évoquent une certaine « Jehenne la gaumette » (en 1617) ou un certain « Jean de Martilly dit Le gaumet » (en 1677).
Ces mentions anciennes et le féminin gaumette expliquent pourquoi, pendant tout un temps, on a écrit gaumet. Des écrivains de la région furent heurtés par la forme Gaumais-Gaumaise, pourtant justifiée par des raisons analogiques : comparer Ardennais, Français, etc. Il y a même eu une querelle des Gaumais et des Gaumets…
Plusieurs témoignages du XIXe siècle attestent que, « dans toute la province [de Luxembourg,] on connaissait les voituriers de Habay qu’on appelait les Gaumets ». On en a conclu que Gaumet-Gaumais provenait du nom de personne Gaumain, attesté à Habay-la-Neuve a XVIIe siècle. Ce nom de Gaumain aurait été répandu en Ardenne parce que les Gaumain de Habay y étaient fort connus. En effet, ils traversaient la région avec tous les produits de la métallurgie qu’ils transportaient vers le nord du Luxembourg. Le nom serait passé de la famille à la profession des voituriers de Habay, puis à tous les habitants de la région.
Cependant, le dépouillement de la documentation ancienne montre que les Gaumain de Habay n’ont pas constitué une véritable dynastie. Cette constatation montre que le problème de l’origine de l’ethnique Gaumais-Gaumaise n’est pas résolu de manière définitive.
Bibliographie : J. Haust, Causerie[s] sur le parler gaumais, I, II, III, dans Le Pays gaumais, t. III, 1942, p. 1-11, 41-50, et 95-106 ; L. Remacle, Les Gaumet de Habay-la-Neuve, dans Fédération des Cercles d’archéologie… XLIVe session. Congrès de Huy. 18-22 août 1976, t. II, p. 632-636.
J.-M. Pierret
* La Lorraine belge à laquelle appartient la Gaume fait géologiquement parlant partie du Bassin de Paris. Son relief se caractérise par la succession de trois côtes abruptes (front de cuesta) orientées ouest — est qui viennent s’appuyer sur le versant sud du massif ardennais. À l’opposé du front, le revers de la cuesta plonge en une longue pente douce jusqu’au pied du front de la cuesta suivante. La topographie lorraine ressemble un peu à ces anciens toits d’usine en « sheds » où à une verrière en forte pente tournée vers le Nord pour avoir la lumière sans la chaleur, succède un versant plus doux, aveugle lui.
D’après le géologue A. Delmer, la localisation et les caractères des cuestas sont explicables de la façon suivante :
« Au nord, la cuesta sinémurienne met en relief la résistance des grès calcaires de Florenville. Au centre, la cuesta des macignos d’Aubange et de Messancy (grès calcaires et argileux) se marque de façon discontinue dans la topographie tandis qu’au sud, le long de la frontière française, les calcaires bajociens ferment l’horizon.
Au sud, la Batte et la Basse-Vire coulent dans une dépression qu’occupent les marnes du Toarcien. À leur base, les schistes bitumeux de Grandcourt, dits aussi « schistes cartons », sont épais d’une quinzaine de mètres à Montquintin ; ils furent exploités pour l’huile lourde à Aubange, avant l’arrivée du pétrole américain en 1860.
Enfin, une troisième cuesta, la plus vigoureuse, celle des calcaires bajociens, court le long de la frontière française suivant un trajet sinueux, indice de la faible inclinaison des bancs vers le Sud. Au sommet du Toarcien se développent des lentilles minéralisées en oolithes ferrugineuses rougeâtres, c’est la « minette » (Aalénien), exploitée jadis le long de la frontière dans les concessions de ‘Musson’ et de ‘Grand Bois’ sur une épaisseur de moins de cinq mètres. Ce gisement est la terminaison du gisement français et grand-ducal.
Le réseau hydrographique de la Lorraine belge est en relation étroite avec la topographie. Les rivières de direction subséquente ou parallèle à celle des couches, qui coulent au pied de l’abrupt des côtes, ne reçoivent d’affluents que du côté de la pente douce, donc du sud ».
En complément des zones agricoles, les nombreuses forêts sont localisées sur les sols sableux. La Gaume n’a pas connu de dépôts limoneux.
Le climat de type lorrain est beaucoup plus tempéré qu’en Ardenne. Ainsi le nombre d’heures d’insolation selon les mois de l’année est de 1 700, comme à la côte d’ailleurs, contre 1 600 en Ardenne et 1 550 en Moyenne Belgique. Ce bon ensoleillement permet la culture de la vigne, notamment si elle est pratiquée sur les coteaux. C’est ainsi qu’à Torgny, 44 hectares de vignes ont été aménagés.
Traditionnellement l’habitat rural lorrain est groupé en villages. Leur implantation suit généralement les lignes de sources générées par le contact entre les grès calcareux perméables et les argiles sous-jacentes imperméables. On les trouve soit dans de petits vallons entaillant les fronts de cuesta comme Chassepierre (sans doute le village gaumais le plus connu grâce à son Festival international des arts de la rue), soit dans de petites vallées incisées dans les revers. La majorité des villages lorrains s’étirent le long d’un axe principal qui en constitue la grande rue. Elle est parfois dédoublée voire détriplée par des rues secondaires qui lui sont parallèles. Les parcelles et les maisons sont implantées en dents de râteau perpendiculairement à la voirie. La mitoyenneté est la règle. Elle est héritée des densifications du XIXe siècle. Mais l’agencement du parcellaire est antérieur. Certains auteurs évoquent une planification du village lorrain dont un très grand nombre auraient été reconstruits durant la seconde moitié du XVIIe après les désastres de la Guerre de Trente ans.
La ferme lorraine traditionnelle est constituée d’un bâtiment allongé qui distribue sous le même toit le logis, l’étable et la grange au rez-de-chaussée, les chambres et le fenil à l’étage. En façade, entre la ferme et la chaussée, un large espace, l’usoir, permet de stocker le fumier, le matériel agricole, ainsi que les réserves de bois de chauffage. Il fait office de cour ouverte indispensable quand la mitoyenneté s’installe et que l’accès à l’arrière des bâtiments devient problématique.
Comme chez sa voisine ardennaise, l’agriculture lorraine s’est orientée dans l’élevage bovin après les grandes crises agricoles de la fin du XIXe siècle. La diversité des terroirs liée à une topographie et une lithologie plus variée laisse cependant une place plus marquée aux cultures qu’en Ardenne. Dans les finages lorrains, les affectations des sols s’étagent sur la pente des cuestas : prairies artificielles en fond de dépression, champs à mi-versant et couvert forestier sur les sols incultes des sommets ou des versants abruptes. La forêt gaumaise est dominée par les feuillus. Elle a cicatrisé les coupes des charbonniers du XVIIIe siècle qui alimentaient en charbon de bois les nombreux fourneaux implantés dans les vallées. Aujourd’hui, la richesse de sa biodiversité et la beauté de ses futaies constituent un facteur d’attraction indéniable pour la Lorraine.
Si pour les habitants des régions localisées au nord de l’Ardenne, la Lorraine est une terre de vacances. C’est devenu un lieu de résidence de plus en plus prisé pour celles et ceux qui vivent aujourd’hui dans l’aire métropolitaine SarLorLux. Nombre d’habitants travaillant à Luxembourg ville ou dans l’est français ont choisi de vivre dans les campagnes lorraines pour la qualité du cadre de vie qu’elles offrent. Ils constituent le contingent des navetteurs qui embouteillent tous les matins l’autoroute E 411 et le poste frontière de Sterpenich.
Bibliographie : ALW ; Architecture rurale de Wallonie. La Lorraine belge, sous la dir. de L.-F. Genicot, Liège, 1987 et 1992 (notamment les parties géographiques due à C. Chistians) ; C. Chistians, avec la coll. de L. Daels et A. Verhoeve, Les campagnes, dans Géographie de la Belgique, Bruxelles, 1992 p. 484-536 (p. 535-536 pour la bibliographie) ; A. Delmer, Le Pays lorrain, dans La Lorraine. Village/paysage, Liège, 1983, p. 13-15 ; R. Moreaux, Dictionnaire encyclopédique des Patois de Gaume, Habay, 2009.
T. Brulard (†) et D. Belayew
→ Lorrains ; Roman Pays.