Les rues de LLN

rue Adophe Quetelet

rue: rue Adolphe Quetelet
canton postal: 1348
localité: Louvain-la-Neuve
description:

Quetelet

Quetelet (rue Adolphe) F8

Conseil communal du 25 février 1975.

Toponyme créé (toponyme non descriptif).

* Thème des figures de nos régions.

* Thème du patrimoine européen et universel.

* Thème des sciences exactes.

« Rue Adolphe Quetelet » (1796-1874) rappelle cet astronome, météorologiste, mathématicien et statisticien belge.

* Lambert-Adolphe Jacques Quetelet naît à Gand en 1796. Son père, fixé dans cette ville comme officier municipal, décède alors que Quetelet n’est encore qu’un enfant ; le remariage de sa mère explique en grande partie sa volonté de devenir, dès que possible, son propre maître. Ses études au Lycée impérial de Gand — la Belgique est à ce moment française — décèlent chez lui des talents artistiques. Devenu professeur dans un collège d’Audenaerde où il enseigne mathématiques, dessin et grammaire, il continue de fréquenter les ateliers. Nommé ensuite professeur de mathématiques au Collège royal de Gand — la Belgique est cette fois hollandaise ! — il abandonne définitivement toute ambition dans le domaine des arts, qu’il cultivera toutefois en privé. Il sera aussi l’un des protagonistes les mieux placés pour faire agréer bien plus tard, en 1843, une classe des Beaux-Arts à l’Académie.

Le régime hollandais fonde trois universités d’État, à Gand, Louvain et Liège. Quetelet s’y inscrit aussitôt, rencontre J. Garnier (1766-1840), français d’origine, appelé à la chaire de mathématiques et d’astronomie, et présente en 1819 la première thèse de doctorat en sciences physiques et mathématiques dans cette université. Il s’agit d’une thèse en géométrie analytique, très bien accueillie, qui lui ouvrira les portes de l’Académie, dont il est nommé membre en 1820. Une nomination à l’Athénée de Bruxelles le fixe dans cette ville et lui assure dorénavant un statut et des revenus réguliers. Il produit avec son collègue G. Dandelin (1794-1847) une série de théorèmes géométriques connus dans la littérature mathématique sous le nom de « théorèmes belges ». Mais après ses recherches sur les courbes dénommées caustiques parues en 1826, il ne produira plus aucun travail dans cette branche.

À partir de 1823 germe dans son esprit le projet d’un observatoire. L’idée est favorablement accueillie par le ministre Falck (1788-1872) et, pour bien circonscrire le projet et ses implications financières, Quetelet reçoit du gouvernement une série de bourses qui lui permettent de voyager en France, en Italie et en Allemagne. C’est lors d’un séjour en France qu’il rencontre Laplace (1749-1827), Fourier (1768-1830) et Poisson (1781-1840), et que s’éveille en lui le goût de la statistique qui le tiendra jusqu’à la fin de ses jours. Après bien des difficultés, Quetelet inaugure l’observatoire en 1832, soit après la Révolution belge à laquelle il n’a pas pris part, étant à ce moment en Italie. Pour préparer les recherches en astronomie dans ce jeune pays, Quetelet n’a pas seulement établi des liens avec les grands observatoires français et anglais ou commandé les indispensables instruments, il a aussi fait œuvre de vulgarisation pour sensibiliser un large public à l’observation du ciel.

Dès 1824, il donne des cours publics d’astronomie au Musée de Bruxelles, futur Musée des Sciences et des Lettres, et publie entre 1826 et 1832 l’Astronomie élémentaire, l’Astronomie populaire et l’Astronomie d’amateur. Il entend ainsi créer dans la population lettrée un réseau d’astronomes amateurs qui relaierait le travail de l’observatoire. Mais déjà à ce moment, ses véritables préférences scientifiques ont déserté les études astronomiques auxquelles il ne se livra jamais vraiment. Après avoir décliné un poste à l’Université libre de Bruxelles, héritière du Musée, dont l’engagement idéologique lui paraît incompatible avec son statut de fonctionnaire lié au poste de directeur de l’Observatoire, il accepte néanmoins d’être nommé professeur d’astronomie et de géodésie à l’École royale militaire en 1835. Au même moment, il devient secrétaire perpétuel de l’Académie.

À la tête des deux institutions savantes du pays, l’Observatoire et l’Académie, Quetelet les modèle pour en faire des institutions scientifiques à part entière où la science se fait et se discute. Il les dote de surcroît d’instruments de communication tout à fait modernes : les Annuaires de l’Académie (1831), les Bulletins de l’Académie (1832), les Annuaires et les Annales de l’Observatoire (1834). Son expérience avec l’éphémère mais réputée Correspondance mathématique (1825-1830, 1838-1839) l’avait convaincu que le journal scientifique spécialisé était le mode de communication le plus rapide et efficace dans une communauté scientifique en voie de professionnalisation. La même vision progressiste du travail scientifique préside à l’établissement de congrès scientifiques récurrents. Il est partie prenante et premier président de la première conférence maritime et du premier congrès international de statistique qui ont tous deux lieu à Bruxelles en 1853.

La Belgique, petit État tampon voulu pour l’équilibre de l’Europe, devient ainsi par l’action de Quetelet le terrain d’expériences nouvelles. C’est particulièrement le cas pour les statistiques administratives. Déjà actif dans le Bureau de statistique hollandais, il en assure la continuité après la révolution de 1830 : il préside à la récolte des chiffres et en publie la synthèse de sa propre initiative. Le fruit de sa ténacité ne se fait pas trop longtemps attendre, puisqu’en 1841 il devient président de la Commission centrale de statistique de Belgique, et organise à ce titre les premiers recensements (1846, 1856 et 1866). À peine assuré de l’implantation de cette branche dans son pays natal, il s’engage sur la scène internationale. En 1851, à l’occasion de l’ouverture de l’Exposition universelle de Londres dans le Cristal Palace, il prononce un discours remarqué sur la statistique comparative des États et les moyens à mettre en œuvre pour rendre ces statistiques compatibles. Cette proposition ne sera réellement entendue qu’après les congrès de statistique de Londres puis de Florence en 1867, date à laquelle il défendra en outre l’utilisation de l’outil probabiliste tant pour jauger que pour interpréter les tableaux de chiffres.

Un autre aspect sans lien apparent avec ce qui précède émerge de l’œuvre d’enseignement et de recherche d’Adolphe Quetelet : l’histoire des sciences. Il est le premier à écrire une histoire des sciences nationale. Ce qui est plus remarquable est l’attention portée aux facteurs qui ne seront mis en avant que dans l’historiographie des sciences des années 1960-1970, à savoir le rôle d’une communauté savante et celui des institutions. Ceci est bien sûr en plein accord avec son action en la matière. Par ailleurs, il voit dans le niveau scientifique d’une nation une mesure des progrès accomplis — l’histoire des sciences devient une sorte de baromètre des civilisations, à l’instar du rôle qu’elle joue dans le Cours de philosophie positive de Comte. L’Histoire des sciences mathématiques et physiques chez les Belges (1862) et la suite qu’il en donne, Sciences mathématiques et physiques chez les Belges au commencement du XIXe siècle (1866) restèrent longtemps les ouvrages de référence pour les historiens des sciences belges.

En 1855, Quetelet subit une attaque d’apoplexie qui amoindrit considérablement ses facultés mentales. La plupart des œuvres publiées après cette date ne sont que la mise en forme d’un matériel rassemblé précédemment. Il entreprend aussi des rééditions où il surcharge le texte initial de commentaires et digressions qu’il insère entre les paragraphes. Ainsi, sa Physique sociale ou Essai sur le développement des facultés de l’homme de 1869 est une réédition quelque peu indigeste de l’Essai sur l’homme et le développement de ses facultés ou Essai de Physique sociale paru en 1835. À l’Observatoire, son fils supporte les charges de son père et réoriente les recherches, avant tout météorologiques et géophysiques, vers l’astronomie. Quetelet meurt en 1874 et ses funérailles nationales sont célébrées en grande pompe. L’œuvre de Quetelet est très hétéroclite, mais une conviction l’habite et lui confère sa cohérence : l’analyse mathématique par l’usage de l’outil statistique et du calcul des probabilités permet d’étudier l’ordre complexe des choses, qu’il s’agisse des phénomènes périodiques qui régissent la sphère sociale ou de ceux, naturels, qui s’observent dans le ciel et sur terre, tel le climat. L’outil statistique auquel Quetelet fait référence est un outil encore embryonnaire. Et le calcul des probabilités développé par Fourier, Laplace et Poisson est lui aussi dans l’enfance. Quetelet croit, comme les fondateurs de la théorie des probabilités, en une forme de déterminisme. Pour lui, loi et hasard s’opposent formellement. Lorsqu’il constate des régularités frappantes dans les statistiques criminelles, il en conclut à la nécessaire existence d’une loi qui rende compte de ce phénomène. Quetelet n’a pas vraiment développé de système sociologique, mais il a montré comment la sociologie peut se servir de la mathématique pour étudier le fait social. Ce faisant, il lui a conféré un statut scientifique. À ce titre, nombreux sont ceux qui le rangent au nombre des fondateurs de cette science humaine.

Bibliographie : J. Lottin, Quetelet, statisticien et sociologue, Louvain-Paris, 1912.

B. Van Tiggelen

     

Classé dans : Le Biéreau