Les rues de LLN
ferme du Rédimé
Rédimé
Rédimé (ferme du) E9
Rédimé (Parking) E9
Rédimé (chemin du) E9
Domaine universitaire (ferme et parking). Conseil communal du (/) (chemin).
Nom créé à partir d’un toponyme traditionnel.
* Thème des toponymes traditionnels.
* Thème des gentilés.
La « ferme du Rédimé » tient son nom de son ancien propriétaire, originaire des cantons germanophones, dits parfois « rédimés ». Elle a donné son nom au « parking malin » (gratuit et sans disque de stationnement…) voisin et, peut-être, à un nouveau chemin projeté au « Vieux Quartier » [PV OL, 10]. Sans être un gentilé, ce nom évoque cependant la région des « Belges de langue allemande » rattachée à la Belgique après la Première Guerre.
* Aucun des anciens documents consultés ne mentionnait le nom de cette petite ferme. Avant l’urbanisation du site, les habitants appelaient cette demeure « la ferme Perrine et Man Duits ». « Man Duits » devait son surnom à ses origines : contrairement à la plupart des autres fermiers du plateau de Lauzelle, il n’était pas originaire de Flandre, mais des cantons rédimés. Avec l’installation de l’Université, cette ferme située à l’entrée du quartier du Biéreau, en bordure de l’« avenue Baudouin Ier », fut rebaptisée « ferme du Rédimé » (de l’homme des cantons rédimés) [Tém. P. Collin, L. Collin, Haulotte, Pierard].
Rédimé signifie, selon le GR : « racheté; pays rédimés: qui s’étaient libérés de l’obligation de la gabelle moyennant le paiement d’un forfait ».
En Belgique, cet adjectif a longtemps servi à désigner les trois cantons qui, à l’Est de la Belgique, furent l’objet de négociations lors du congrès de Vienne en 1814-1815 et de celui de Versailles en 1919.
En 1815, le traité de Vienne, qui mit fin à l’Europe napoléonienne, accorda au Royaume de Prusse plusieurs cantons situés à l’Est du département de l’Ourthe — dont Eupen, Malmedy et Saint-Vith. Le gouvernement prussien transforma les trois cantons en autant de cercles (« Kreise ») ressortissant de l’arrondissement (« Regierungsbezirk ») d’Aix-la-Chapelle, une des subdivisions de la province rhénane (« Rheinprovinz ») dont le centre administratif (« Oberpräsidium ») se trouvait à Coblence. Mais, en 1820 déjà, le cercle de Saint-Vith fut supprimé et son territoire incorporé au cercle de Malmedy. Sous l’Ancien Régime, avant leur annexion par la France le 1er octobre 1795, Eupen et Saint-Vith avaient appartenu aux Pays-Bas espagnols puis autrichiens. Eupen était la localité de loin la plus peuplée du Duché de Limbourg, sa renommée remontant à la manufacture de drap qui y avait pris son essor vers 1680. Saint-Vith était une des sept petites villes du quartier germanique du duché de Luxembourg. Malmedy, en fin de compte, était le centre administratif d’une postellerie de la principauté de Stavelot et célèbre, entre autres, comme siège d’un des deux monastères formant l’antique abbaye de Stavelot-Malmedy, fondée en 648 par saint Remacle.
En 1919, le traité de Versailles attribua les cercles d’Eupen et de Malmedy (avec le pays de Saint-Vith) au Royaume de Belgique, sous réserve toutefois du résultat d’une consultation populaire. Celle-ci se déroula entre janvier et juin 1920 sous la conduite du lieutenant-général Herman Baltia, nommé gouverneur haut-commissaire d’Eupen-Malmedy (avec Saint-Vith) par la Belgique, en attendant le rattachement définitif de cette région au territoire national, qui allait être consacré par la loi du 6 mars 1925. Entâchée de nombreuses irrégularités, la consultation populaire s’avéra favorable à la Belgique, qui prit définitivement possession des deux cercles le 16 septembre 1920, en vertu d’une décision de la Société des Nations, et redivisa leur territoire en trois cantons : Eupen, Malmedy et Saint-Vith.
Comment le mot rédimé a-t-il pu être appliqué aux Cantons de l’Est que la Belgique n’avait manifestement pas rachetés ? Selon André Goosse, dans l’expression cantons rédimés, l’adjectif ne continue pas le verbe rédimer, mais est tiré d’irrédimé, attesté dans le Larousse universel d’août 1918 pour désigner un territoire « qui n’a pas encore été racheté de la domination étrangère ». Irrédimé est l’équivalent français de l’italien irredento, les Italiens employant ce mot pour désigner les territoires qu’ils estimaient injustement occupés par l’Autriche. Irredento est la forme négative de redento, participe du verbe italien redimere, qui signifie délivrer et non seulement racheter. L’italien connaissait également les dérivés irredentismo, irredentista — en français irrédentisme, irrédentiste. Ce dernier adjectif fut utilisé notamment dans une brochure de Prosper Renard, intitulée Malmedy irrédentiste, qui parut en février 1919.
Dans l’optique de la Belgique, il s’était agi au départ de trouver pour les anciens territoires prussiens une appellation montrant que ceux-ci n’étaient ni une conquête de guerre, ni une annexion, mais une récupération. L’utilisation de désannexer et désannexion à leur propos fut d’ailleurs assez courante dans les milieux politiques belges avant et pendant les négociations de Versailles. Au demeurant, l’adjectif rédimé semble avoir été proposé par un fonctionnaire au service du gouverneur haut-commissaire Baltia. Très vite, il fut ressenti par les nouveaux citoyens belges comme impropre et condescendant, voire injurieux.
Bibliographie: A. d’Haenens, La Belgique: sociétés et cultures depuis 150 ans (1830-1980), Bruxelles, 1980 ; DHGA; A. Goosse, Façons de parler. Les Cantons rédimés, dans La Revue générale, 1995, n° 10, p. 107-108 ; Histoire de la Belgique contemporaine. 1914-1970, Bruxelles, 1975 ; M. Lang, Une expression impropre qui a la vie dure : « Les Cantons Rédimés », dans Folklore Stavelot–Malmedy–Saint-Vith, t. XXXIV/XXXVI, 1970-1972, p. 7-10 ; A. Minke, La Communauté germanophone : l’évolution d’une terre d’entre-deux, dans La Wallonie, une région en Europe, Nice-Charleroi, 1997, p. 166-185 ; Id., Entre deux mondes : Les « Cantons de l’Est », dans La Revue générale, 1995, n° 10, p. 17-24.
A. Minke