Les rues de LLN

rue de l'Art Nouveau

rue de l'Art Nouveau
1348
Louvain-la-Neuve

Art Nouveau

Art Nouveau (rue de l’)            [en réserve, D5-E5]

Conseil communal du (/).

Toponyme créé (toponyme non descriptif).

* Thème des arts en général.

Ce nom a été retenu de manière privilégiée par la Commission de toponymie pour désigner — avec « rue du Groupe Cobra » et « rue Rénier de Huy » — les voiries à construire entre la « Grand-Place » et le lac [PV OL 8]. Il s’agit en effet d’un espace situé dans le prolongement du Quartier des Bruyères consacré aux arts, et plus spécialement aux Beaux-Arts.

* L’expression « Art Nouveau » n’est que l’une mais peut-être la plus courante, de celles utilisées pour désigner les efforts en vue de rénover l’architecture et les arts décoratifs à la charnière du XIXe et du XXe siècle. Reprise de l’anglais, l’expression « Modern style » a été aussi utilisée en France, de même que « Style 1900 ». Avec des nuances linguistiques et culturelles régionales, on utilise aussi pour désigner ces courants les expressions Jugendstil en Allemagne, Sezessionstil en Autriche, Nieuwe kunst aux Pays-Bas, Arte joven dans les pays hispanophones, Style Liberty en Italie. On doit l’expression « Art Nouveau » au juriste et homme politique belge Edmond Picard (1836-1924), qui qualifiait à la fin du XIXe siècle les productions artistiques rejetant le passéisme et l’académisme historicisant.

À des degrés divers et parfois avec des contradictions entre les tendances, cinq grandes intuitions sous-tendent ces courants : une détermination à libérer la création artistique des canons académiques stérilisants et du pastiche des œuvres anciennes ; une volonté de réconcilier l’art avec les innovations techniques et industrielles ; une aspiration à retrouver les formes de la nature et à s’en inspirer ; un désir de supprimer les barrières entre le grand art et les arts mineurs en les intégrant pour créer un art à vivre, en faisant entrer l’art dans la vie quotidienne ; enfin, un besoin de prendre part au mouvement social en mettant l’art et la beauté à la portée de tous. La formule « L’art pour tous, l’art dans tout » manifeste cet idéal, qui imprègne les recherches exubérantes des débuts du mouvement.

Ayant des racines dans divers pays dès le milieu du XIXe siècle, le mouvement éclot dans divers pays d’Europe à la fin du même siècle. En Grande-Bretagne, dès le milieu du XIXe siècle l’esthète John Ruskin (1819-1900) avait proclamé l’interdépendance de l’art et des autres secteurs de l’activité des hommes et affirmé l’utilité des arts pour embellir la vie de tous. Il exercera plus tard une influence, notamment sur William Morris (1834-1896), qui cherchera à rénover la décoration intérieure en militant pour la fonction sociale de l’art. Aux États-Unis, le peintre et décorateur Tiffany innove en faisant participer le verre aux effets décoratifs. En France, Viollet-le-Duc (1814-1879) est surtout connu pour ses restaurations de monuments médiévaux. Mais, par ses réflexions, il a aussi ouvert la voie à l’emploi de matériaux nouveaux (fer, fonte) en suggérant des formes nouvelles : l’architecture moderne devait s’orienter vers davantage de fonctionnalité, de la même façon que l’architecture gothique avait en son temps mis en œuvre de façon rationnelle et fonctionnelle des techniques et des matériaux du Moyen-Âge. Ses réflexions exercèrent par la suite une influence sur l’innovation architecturale. Un peu plus tard, dès la fin des années 1880, la ville de Nancy émerge, notamment avec Émile Gallé (1846-1904), ébéniste et verrier, virtuose de la pâte à verre ; il participe à la décoration de la Maison Losseau à Mons. Paris suit avec Hector Guimard (1867-1942) architecte du Castel Béranger (1897-1898), où il assemble pierres, briques, fer et céramique pour composer un décor végétal ; il est surtout connu pour ses entrées métalliques du Métro parisien (1899-1904), dont beaucoup subsistent aujourd’hui. C’est aussi à Paris, notamment, que travaille le Tchèque Alfons Mucha (1860-1939), créateur d’affiches aux lignes sinueuses et aux saveurs florales. En Allemagne, c’est Munich, alors capitale du Royaume de Bavière, qui donne le ton dans les arts avec l’appui de la dynastie des Wittelsbach. La revue satirique Jugend, appuyant les expériences nouvelles va donner son nom au Jugendstil. Puis c’est la ville de Darmstadt, capitale de la Hesse-Darmstadt, où le grand-duc regroupe en 1889 une pléiade d’artistes dans le Mathildenhöhe ; à Darmstadt, le floralisme sinueux va évoluer vers la rigueur et la ligne droite. En Autriche, l’Art Nouveau prend le nom de Sezessionstil, nom qui marque la rupture avec les ronronnements traditionnels. Otto Wagner (1841-1918), après un passage par l’académisme, puis par une phase florale, construit la Caisse d’épargne à Vienne (1904-1906), bâtiment fonctionnel alliant l’acier et le verre. Son élève, Joseph Hoffmann (1870-1956) clôt l’ère de l’ornement pour s’orienter vers des formes plus dépouillées (Palais Stoclet, à Woluwé-St-Pierre, 1905-1911). Rejetant l’excès de décoration, Adolf Loos (1870-1933) continue à faire évoluer l’architecture vers le dénuement géométrique. En Espagne, Barcelone est évidemment le lieu où Antoni Gaudi (1852-1926) déploie son génie insolite qui, à sa vision inspirée et personnelle, mêle inspirations gothiques, innovations techniques, formes organiques et audaces urbanistiques (Sagrada Familia ; Casa Battló ; Parc Güell).

Les diverses régions de la Belgique furent aussi des terreaux où s’épanouit l’Art Nouveau. Déjà à la fin du XIXe siècle, le mouvement de la Libre Esthétique, fondé en 1894, proche des milieux pensants du P.O.B. (Parti ouvrier belge), tentait de stimuler la nouveauté dans la création artistique. Victor Horta (1861-1947), architecte gantois travaillant surtout à Bruxelles, rénove la façon de bâtir et d’habiter, utilisant des matériaux nouveaux, liant intimement architecture et décoration. L’Hôtel Tassel construit à Bruxelles manifeste dès 1893 ses tendances novatrices. Henry Van de Velde (1863-1957), né à Anvers, est un autre ténor de l’Art Nouveau. Architecte venu de la peinture, il se fait le théoricien de l’art social et de l’art fonctionnel. Le troisième grand nom de l’art Nouveau est un Liégeois : Gustave Serrurier-Bovy (1858-1910). Précurseur trop méconnu, Serrurier-Bovy formule ses intuitions dès les années 1880. En 1895, il présente au Salon de la Libre esthétique un ensemble remarqué de meubles. Venu de l’architecture, il s’oriente surtout vers la décoration intérieure et le mobilier. Lui aussi évolue du floralisme vers une rigueur plus fonctionnelle.

En Wallonie, bien d’autres noms figurent au nombre des pionniers de l’Art Nouveau. Un autre Liégeois, Paul Jaspar (1859-1945) explore les opportunités offertes par les matériaux nouveaux, surtout le béton armé. De nombreux architectes wallons mériteraient une mention, tels l’Athois Paul Cauchie (1875-1952) avec sa maison du peuple de Pâturages ; Édouard Franquinet (1877-1937), qui travaille à Dinant après la Première Guerre ; Alfred Frère (1851-1918), auteur de la Maison Dorée de Charleroi ; Adolphe Ledoux (1883-1969), qui travaille à Jambes ; Louis Pavot (1871-1918) à Péruwelz ; Victor Rogister (1874-1955), qui œuvre à Liège. À Bruxelles, on ne peut passer sous silence Paul Saintenoy (1852-1952), qui réalise la superbe façade de l’Old England, ancien magasin abritant aujourd’hui le MIM (Musée des instruments de musique), ainsi que la Maison Losseau à Mons. On ne peut oublier non plus les productions des célèbres cristalleries du Val-Saint-Lambert à Seraing, qui sont à leur apogée de 1900 à la Première Guerre. L’Art Nouveau va alors imprégner les productions du Val avec, de 1905 à 1908, les créations des frères Müller, Jean-Désiré et Eugène, qui avaient collaboré avec Gallé à Nancy, ou encore celles de Philippe Wolfers et de Dieudonné Masson.

La Première Guerre mondiale annonce pourtant la fin de l’Art Nouveau. Il survivra dans ses avatars tardifs, notamment dans l’« Art déco » des années 1920-1930. Protéiforme, se manifestant dans divers pays sous des jours autres, l’Art déco touche lui aussi l’architecture, les arts décoratifs et le mobilier ; il se caractérise par un modernisme modéré et une simplification de l’ornementation. Cette tendance simplificatrice se situe, comme on l’a vu, dans la ligne de l’évolution des protagonistes de l’Art Nouveau. Puis, l’Art Nouveau et l’Art déco tombèrent en disgrâce. Les évolutions modernes firent passer cet art primo-moderne par un purgatoire d’un bon demi-siècle de dédain, au cours duquel on ne se gêna guère pour détruire certaines constructions du Style 1900. Pourtant, par sa recherche du fonctionnel, par l’emploi de matériaux nouveaux, par sa liberté d’expression et sa volonté de casser la routine académique, l’Art Nouveau annonce l’art moderne. Il a d’ailleurs produit d’authentiques chefs-d’œuvre. En outre, l’Art Nouveau est le témoin d’une recherche d’un nouvel art de vivre au tournant du XIXe et du XXe siècle. C’est à juste titre que, depuis deux ou trois décennies, on reconsidère ce courant et qu’on lui rend la place qu’il mérite.

Biblographie : L. Ancion, avec la coll. de V. Dejardin, Itinéraires Art Nouveau, Namur, 2006 ; L’architecture Art déco. Bruxelles. 1920-1930, Bruxelles, 1996 ; A. Delville et P. Chavanne, L’Art Nouveau en Province de Liège, Liège-Alleur, 2003 ; Un double regard sur 2000 ans d’art wallon, Tournai, 2000 ; Itinéraire Art Nouveau en Wallonie, sous la dir. d’A. Lemonnier, Bruxelles, 1996 ; Wallonie, t. II, p. 587-595 ; J.-G. Watelet, Serrurier-Bovy. De l’Art Nouveau à l’Art déco, Bruxelles, 1986.

J. Pirotte

→ Cobra ; Horta ; Rénier de Huy.

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