Les rues de LLN
passage des Dinandiers
Dinandiers
Dinandiers (passage des) E5-F5
Conseil communal du 17 mai 1977.
Toponyme créé (toponyme non descriptif).
* Thème des métiers traditionnels de Wallonie.
Le « passage des Dinandiers » évoque un artisanat wallon typique, propre, à l’origine, à Dinant et à sa région.
* Le nom est éloquent, mais il peut prêter à confusion : ce n’est pas seulement à Dinant que l’on fabriquait des objets de dinanderie. C’est au cours du Moyen-Âge central et tardif que la ville de Dinant établit progressivement sa suprématie dans la réalisation des objets en laiton, si bien que le terme de dinanderie, attesté dès Philippe de Commines peu avant 1500, devint usuel. Lit-on des études en allemand ou en anglais sur le sujet, le mot dinanderie y est utilisé tel quel.
L’art des dinandiers est lié au laiton, un alliage de cuivre rouge et d’un autre minerai : au Moyen-Âge, on recourait à la calamine que l’on exploitait dans la vallée de la Meuse, et à l’étain importé d’Angleterre ; par la suite, le zinc interviendra en proportion croissante. Le résultat était un métal d’une belle couleur jaune, le laiton, que les anciens appelaient aurichalque, d’après l’apparence de l’or qu’il gagnait entre les mains de l’artisan.
Le laiton se prêtait à deux opérations principales : le battage et la fonte. Les « batteurs de cuivre jaune » formaient une corporation à Huy, Dinant et Bouvignes, puis dans d’autres villes à la fin de la période médiévale. Ils travaillaient une feuille laminée de laiton pour en façonner par battage des plats, des bassins et des chaudrons, et les ciselaient ensuite pour en terminer la décoration. Notre terme de « batterie de cuisine » dérive d’ailleurs de cette technique du métal battu. Quant aux fondeurs de laiton, ils produisaient des œuvres de plus forte taille, tels les chandeliers, les fonts baptismaux ou les lutrins. Célèbres à juste titre, les fonts baptismaux attribués à Renier de Huy (XIIe siècle) et conservés à l’église Saint-Barthélemy à Liège, en constituent le chef-d’œuvre incontesté. Citons aussi le fameux « Bassinia » de Huy, la fontaine datée de 1406 et ornée de quatre statues des saints patrons de la ville.
C’est du XIIIe au XVe siècle que le commerce de Dinant est le plus florissant. Les Dinantais, surnommés « copères » (d’après le latin cuprum, pour « cuivre »), ont des comptoirs à Londres, à Cologne, dans les villes de la Hanse, etc. Mais l’essor connaîtra un arrêt brutal avec la destruction de Dinant par les troupes de Philippe le Bon en 1466. Tandis que la ville se relève au XVIe siècle et que le métier des batteurs de cuivre s’y rétablit tant bien que mal, c’est désormais Aix-la-Chapelle qui domine le marché de la dinanderie. D’autres villes exportent également : ainsi, Tournai se distingue pour les lutrins en forme d’aigle aux ailes déployées. Au départ de Bruges et d’Anvers, les objets en laiton coulé suivent les mêmes circuits commerciaux que les tableaux des Primitifs flamands ou que les tapisseries : on les trouve encore de nos jours dans des églises d’Espagne, d’Italie ou de Grande-Bretagne.
Bibliographie : Arts du laiton. Dinanderie, Namur, 1992 ; S. Collon-Gevaert, Histoire des arts du métal en Belgique, Bruxelles, 1951 ; M. De Ruette, Étude technologique des dinanderies coulées, dans Bulletin des Musées royaux d’art et d’histoire, t. LVIII, 1987, p. 5-42 ; J. Muller, De la Meuse à l’Escaut. Dinanderie mosane et tournaisienne avant 1500, dans J. Squilbecq, Dinanderie, dans Rhin-Meuse. Art et civilisation, 800-1400, Bruxelles, 1972, p. 67-72 ; La Wallonie. Le pays et les hommes, sous la dir. de H. Hasquin, t. I, Bruxelles, 1977, p. 355-368.
B. Van Den Abeele