Les rues de LLN
place Louis Pasteur
Pasteur
Pasteur (chemin Louis) D8
Pasteur (place Louis) D7
Conseil communal du 3 octobre 1973 (place) et du 28 juin 2010 (chemin).
Toponyme créé (toponyme non descriptif).
* Thème du patrimoine européen et universel.
* Thème des sciences humaines.
La « Place Louis Pasteur » (1822-1895) évoque ce chimiste et biologiste français, fondateur de la microbiologie. Le nom de « chemin Louis Pasteur » a été proposé récemment pour le petit sentier situé dans le prolongement de la « rue du Poirier », entre l’« avenue Lemaître » et la « place Louis Pasteur », mais il n’est pas encore officiel [PV OL 12 et 13].
* Louis Pasteur naît à Dôle (Jura) en 1822 mais passe son enfance à Arbois. Rien ne le prédestine à la brillante carrière des sciences qu’on lui connaît : son père, tanneur, est d’origine modeste et il reçoit son baccalauréat avec une note médiocre en chimie ! En 1843, soit quatre ans plus tard, il est admis à l’École normale supérieure et y devient aide préparateur de physique. C’est là que ses premières recherches, qui jettent un pont entre la cristallographie et la polarimétrie, lui assurent bientôt sa réputation. Nommé professeur à Strasbourg, il épouse Marie Laurent, fille du recteur de l’Académie, chimiste renommé. Nommé ensuite à Lille, il y entame ses recherches sur la fermentation qu’il poursuit dans des conditions difficiles à Paris où il est promu administrateur de l’École normale supérieure et directeur des études. Il ne dispose là-bas ni de crédits suffisants ni même de laboratoire.
La guerre de 1870 l’oblige à quitter Paris ; à l’occasion du séjour forcé à Clermont-Ferrand, il se penche sur les maladies de la bière. Ce n’est qu’en 1877 qu’il entame ses célèbres travaux sur les maladies contagieuses de l’homme et des animaux qui le mèneront à la découverte du vaccin contre la rage en 1888. Aussitôt est fondé un Institut Pasteur, institution qui essaime rapidement dans d’autres pays. Hémiplégique gauche depuis l’âge de quarante-cinq ans, il meurt en 1895 à Villeneuve-l’Étang.
Les contributions les plus importantes de Pasteur sont nombreuses : fondation d’une nouvelle science, la stéréochimie ; mise en évidence du rôle des micro-organismes dans la fermentation et le processus de pasteurisation qui en découle ; démonstration de l’origine microbienne des maladies contagieuses et prévention par vaccination. La fondation de la « chimie dans l’espace » répond à un problème précis qui préoccupait les chimistes depuis plus de vingt ans. Vers 1820, un vigneron des Vosges avait identifié, lors de la fermentation du jus de raisin, un acide différent de l’acide tartrique déjà connu pour apparaître à l’occasion de ce type de processus. Cet acide — paratartrique ou racémique — s’avère de composition identique à l’acide tartrique mais, contrairement à ce dernier, n’agit pas sur la lumière polarisée. Ayant démontré que les mêmes espèces chimiques peuvent revêtir des formes cristallines différentes (acide arsénieux et soufre), il formule l’hypothèse que le paratartrate résulte des combinaisons de « cristaux symétriques qui se regardent dans un miroir » : c’est précisément cette combinaison qui explique l’inactivité polarimétrique. Pour étayer cette hypothèse, Pasteur isole le paratartrate qui fait tourner l’axe de polarisation de la lumière vers la gauche. Cette dernière forme était inconnue jusqu’alors.
Dans ses travaux ultérieurs, Pasteur arrive à la conclusion que la dissymétrie moléculaire est une propriété du vivant. Ceci renforce ses convictions quant à l’irréductibilité du vivant à la chimie minérale pourtant professée par de grands noms de la chimie tels que J. Liebig (1803-1873) et J.B. Dumas (1800-1884). Les processus de fermentation sont exploités depuis la plus haute Antiquité, mais, jusqu’à Pasteur, la compréhension et les moyens de régulation du processus demeuraient mystérieux. Le terme « fermentation » recouvrait d’ailleurs toutes les altérations qui se produisent dans des solutions organiques générant des substances alcoolisées (vin, bière, cidre) ou acides (fermentation acétique ou lactique). Si l’existence de levures avait été reconnue, on leur déniait tout rôle dans le phénomène. Pasteur fut amené à orienter ses études par une requête des industriels lillois qui éprouvaient des difficultés grandissantes à gérer les procédés de fermentation.
Le ferment est au cœur de l’application que Pasteur donne de la fermentation après vingt ans de travail opiniâtre et de polémique. Il s’agit d’un petit organisme vivant, spécifique à chaque type de fermentation, aérobie ou anaérobie selon qu’il est capable de vivre en présence d’oxygène ou non. Plusieurs ferments peuvent entrer en compétition et le déroulement d’un type de fermentation devient défectueux si un autre ferment est favorisé par le milieu. L’application de ces principes est immédiate : pour réussir une fermentation donnée, il est nécessaire d’une part de disposer d’un ferment pur, et d’autre part d’établir un milieu de culture approprié à ce ferment précis. Les industries du vin, du vinaigre et de la bière bénéficièrent de ces conclusions, et le microscope fit son entrée dans les laboratoires de distillerie. Pour éliminer les ferments indésirables de la vinification, Pasteur propose de les détruire par chauffage rapide, procédé qui reçut le nom de pasteurisation. Ces résultats, salués par la communauté scientifique et générateurs d’applications industrielles, donnèrent à penser que les maladies contagieuses pourraient bien, elles aussi, être l’œuvre de micro-organismes. En 1865, Dumas demande à Pasteur d’étudier la maladie du ver à soie, ce qui a pour effet de lui ouvrir un nouveau champ de recherche. Il identifie le germe de la maladie et suggère un moyen de prévention. Ce succès l’engage à étudier les pathologies humaines et animales. Il identifie nombre de microbes pathogènes parmi lesquels les staphylocoques, le streptocoque et le pneumocoque. Il développe en même temps les règles de ce qu’il appelle asepsie pour la différencier de l’antisepsie, qu’il jugeait insuffisante. L’inoculation de la vaccine contre la variole avait été introduite en 1776 par Jenner. Dans le même esprit, Pasteur met au point successivement des vaccins contre le choléra des poules, le rouget des porcs et le charbon.
Lorsqu’il se tourne vers le microbe causal de la rage, il s’aperçoit que les milieux de culture habituellement employés ne permettent pas de cultiver ce microbe. Pour reproduire ce qui est en réalité un virus, il l’injecte dans la matière cérébrale du chien ou du lapin et, par des passages en série, parvient à obtenir un virus fixé, c’est-à-dire de virulence stable. En abandonnant les moelles infectées dans une atmosphère sèche, il remarque que la virulence originelle est diminuée. La preuve en est rapidement établie par l’injection de ces extraits peu ou pas virulents à des chiens, qui se montrent capables de résister ultérieurement aux attaques du virus virulent ou à l’état naturel. Le 6 juillet 1885, un peu forcé par les événements, Pasteur tente l’expérience sur un être humain. À partir de ce moment, c’est la gloire et sa rançon : de tous les pays du monde, des gens affluent pour recevoir la vaccination et Pasteur atteint aux plus hauts honneurs. À Louvain, le professeur Jean-Baptiste Carnoy (1836-1899), d’abord opposé à la technique des cultures pures, envoie un de ses élèves, Philibert Biourge (1864-1942), à l’Institut Pasteur grâce à une bourse de voyage du gouvernement pour l’année 1891-1892. Ce séjour postdoctoral forme définitivement le jeune microbiologiste aux responsabilités qui l’attendaient à son retour à Louvain dans le laboratoire des Fermentations, créé en 1840 à l’école supérieure de brasserie. Au cours d’une carrière féconde consacrée à la microbiologie de la bière et à la mycologie, Biourge forma, grâce à un labeur tenace, une collection remarquable de moisissures, de levures ou de bactéries maintenues vivantes et à l’état pur. Cette « Mycothèque », qui intègre en 1969 la « Mycothèque de l’Université catholique de Louvain », existe toujours.
Bibliographie : P. Darmon, Pasteur, Paris, 1995 ; P. Debré, Louis Pasteur, Paris, 1994 ; G.L. Geison, The Private Science of Louis Pasteur, Princeton, 1995 ; G.L. Hennebert, Philibert Biourge, microbiologiste et mycologue (1864-1942), dans Les Sciences exactes et naturelles à l’Université de Louvain de 1835 à 1940. Colloque d’histoire des sciences III. Louvain-la-Neuve, 17 mars 1977 (Université catholique de Louvain. Recueil de travaux d’histoire et de philologie, 6e série, fasc. 15), Louvain, 1979, p. 61-98.
B. Van Tiggelen
→ Carnoy.