Les rues de LLN

chemin Charlier à la Jambe de Bois

chemin Charlier à la Jambe de Bois
1348
Louvain-la-Neuve

Charlier à la Jambe de Bois

Charlier à la Jambe de Bois (chemin)

C6-B6-B7

Conseil communal du 27 janvier 1989.

Toponyme créé (toponyme non descriptif).

* Thème des figures de nos régions.

« Chemin Charlier à la Jambe de Bois » évoque un héros liégeois de la Révolution de 1830.

* Jean-Joseph Charlier (1794-1866), héros des journées de septembre 1830, était dit « La Jambe de Bois », parce qu’il avait perdu la jambe droite à Waterloo, en combattant dans l’armée napoléonienne.

Jean-Joseph Charlier, mieux connu sous le sobriquet de « Charlier Jambe de Bois » vit le jour à Liège, dans un milieu modeste, le 4 avril 1794.

Fils de Mathieu Charlier et de Gertrude Josèphe Navarre, il fut incorporé dans les armées napoléoniennes alors qu’il avait 18 ans. Certains auteurs ont affirmé que c’était au cours de la retraite de Russie qu’il avait perdu une jambe. On pense aujourd’hui qu’il fut blessé au pied lors de la bataille de Waterloo ; la blessure s’infecta et l’amputation devint inévitable.

Le 24 février 1818, l’État néerlandais se décida à lui accorder un brevet de pension : 91 francs par an. C’est vers cette époque qu’il se décida à prendre femme, épousant Anne-Marie Henriette Victoire Winand. Elle lui donna deux fils, ainsi qu’une fille. L’homme peina dur pour faire vivre le ménage. Doté d’une certaine instruction — il savait lire et écrire — l’ancien soldat de Napoléon lisait avec passion les journaux de France comme les feuilles d’opposition au gouvernement du roi Guillaume. Point n’est besoin de préciser qu’il ne se sentait aucun atome crochu avec des autorités ressenties comme étrangères. Le 24 août 1830, alors qu’il rentrait de voyage, l’invalide n’hésita pas à prendre part aux rassemblements fiévreux de ses concitoyens inspirés par l’exemple de la révolution parisienne des « Trois Glorieuses ». Le 26, la Cité ardente apprenait la nouvelle des émeutes de Bruxelles, émeutes suivies d’une liquéfaction des pouvoirs en place. Charlier figura alors parmi les plus exaltés des patriotes. Le 3 septembre, le brave, toujours claudiquant, rallia le palais des princes-évêques, lieu de concentration des volontaires qui se proposaient de voler au secours des Bruxellois. Charlier eut alors l’idée de s’emparer des pièces d’artillerie abandonnées par les Hollandais à la caserne des Écoliers. Deux d’entre elles, sommairement enclouées, furent remises en état sans tarder. L’ex-fantassin s’improvisa artilleur et se mit en route vers dix heures du soir avec un premier groupe de quelques dizaines d’hommes : pas mal de volontaires crépitant d’enthousiasme le matin avaient préféré regagner leur logis plutôt que risquer l’aventure. Un second détachement guidé par Charles Rogier s’ébranla le lendemain. Les deux troupes se rejoignirent sous les murs de la capitale (où l’on s’imaginait accueillir 15 à 16 000 Liégeois…) ; ils y pénétrèrent le 7 septembre, sous les vivats de la foule, par la Porte de Namur.

Quelques jours plus tard, la situation ayant dégénéré, Charlier et son canon faisaient merveille contre les soldats hollandais du prince Frédéric. Imperturbablement, la pièce qu’il servait, installée dans l’axe de la « rue de la Régence », balaya avec succès le parc, face au palais royal. Le 26, les Hollandais, désemparés, se repliaient en catimini vers Vilvorde.

Fêté par une population ivre de sa victoire inespérée, abreuvé de discours et de réceptions, Charlier ne regagna sa ville natale qu’à la mi-octobre. Il y fut porté en triomphe. Le sculpteur Jehotte s’empressa d’exécuter une médaille à son effigie. Las, les nouvelles autorités se montrèrent pour le reste chiches dans leurs marques de reconnaissance et se gardèrent de l’utiliser à la mesure de ses ambitions : sort commun à la plupart des révolutionnaires, une fois la révolution achevée. Elles se contentèrent de menues gratifications.

Le 7 décembre 1830, le Gouvernement provisoire, reconnaissant la part honorable qu’il avait prise dans les combats, lui accordait « le grade et les émoluments de la pension de capitaine d’artillerie en retraite ». Ses fils furent en outre autorisés à entrer sans examen à l’École militaire. En 1835, il se voyait décoré de la Croix de fer (qui, malgré son nom, était une décoration bien belge réservée aux combattants de 1830) et il devenait chevalier de l’Ordre de Léopold peu de temps après. Mais son heure de gloire était bel et bien passée. Assez déçu par le manque de gratitude des officiels, Charlier continua une existence paisible dans son quartier de Sainte-Walburge. Au décès de sa femme, en 1846, il épousa en secondes noces Jeanne Capel, originaire de Metz ; il n’en eut aucun enfant.

En 1853, il se décidait à publier ses souvenirs chez Carmanne sous le titre : Les Journées de Septembre 1830 ou Mémoire de Jean-Joseph Charlier, dit « La Jambe de Bois », Capitaine d’artillerie en retraite. Puis vint l’oubli. Il s’éteignit le samedi 31 mars 1866 en sa maison du faubourg Sainte-Walburge.

Une iconographie assez abondante lui fut consacrée. Le pilon qu’il exhibait et qui constituait l’élément le plus caractéristique de son apparence physique ne manqua pas de retenir l’attention des producteurs d’estampes. Ils en firent la figure plébéienne, sinon emblématique, d’une révolution qui, au bout du compte, avait accouché d’une monarchie on ne peut plus bourgeoise. Et qui, on le verra par la suite, n’avait rien réglé, ni sur le plan social, ni sur le plan national.

Bibliographie : L. Leconte, Les éphémères de la Révolution de 1830, Bruxelles, 1945, p. 185-198 ; Id., Jean-Joseph Charlier, dans La Revue générale, 15 juin 1928, p. 719-732 ; Id., Le Bataillon des Tirailleurs liégeois. 1830-1831, dans Carnet de la Fourragère, n° 5 de décembre 1935, p. 411-499 ; O. Grojean, Étude sur une poésie wallonne de Charlier dit Jambe-de-Bois, dans Wallonia, avril 1912, p. 158-161 ; Le livre d’or de l’Ordre de Léopold, t. II, p. 79 ; L. Van Neck, 1830, illustré avant, pendant et après la Révolution, Bruxelles, 1904.

A. Colignon

              

              

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