Les rues de LLN

rue Paulin Ladeuze

rue: rue Paulin Ladeuze
canton postal: 1348
localité: Louvain-la-Neuve
description:

Ladeuze

Ladeuze (rue Paulin)                         D5

Conseil communal du 17 décembre 1992.

Toponyme créé (toponyme non descriptif).

*      Thème du passé universitaire.

*      Thème des sciences humaines.

Proche de la « place Cardinal Mercier », la « rue Paulin Ladeuze », fut proposée pour évoquer une personnalité universitaire contemporaine, celle du recteur de l’Université de Louvain de 1909 à 1940 [PV 35]. Il semble y avoir eu une hésitation entre « rue Paulin Ladeuze » et « rue Monseigneur Ladeuze » (PV 37). Il fut aussi question de « maison Monseigneur Ladeuze » [PV 38] pour désigner la résidence étudiante « Campus Irena », à la « rue des Blancs Chevaux », mais on s’est vite avisé du caractère privé de ces logements.

*    Né le 3 juillet 1870 à Harveng, dans une vieille famille de fermiers hennuyers, Paulin Ladeuze fit de très brillantes études d’humanités (1881-1887) et de philosophie (1887-1889) au petit séminaire de Bonne-Espérance. Après un premier cycle d’études théologiques au grand séminaire de Tournai (1889-1892), il fut envoyé à l’Université de Louvain pour y prendre le grade de docteur en théologie (1892-1898). D’abord attiré par la théologie spéculative, il s’orienta bientôt vers l’antiquité chrétienne et prépara une Étude sur le cénobitisme pakhômien pendant le IVe siècle et la première moitié du Ve (1898). Partiellement dépassée aujourd’hui en raison de la découverte de nouveaux documents, cette thèse de doctorat était cependant un modèle de critique historique et valut à son auteur d’être nommé immédiatement à la succession de son maître, Adolphe Hebbelynck, qui venait d’être promu au rectorat (octobre 1898). À l’enseignement de la patrologie et de la langue copte, il ajouta bientôt, lorsque le titulaire, Mgr Lamy, fut admis à l’éméritat (1900), l’exégèse néo-testamentaire, matière qu’il venait d’enseigner à la schola minor pendant deux ans.

Avec Van Hoonacker pour l’Ancien Testament et Cauchie pour l’histoire ecclésiastique, Ladeuze fut l’un des trois artisans de ce que le chanoine Aubert a appelé « le grand tournant de la Faculté de théologie de Louvain ». En patrologie, où ses devanciers s’étaient contentés d’un bon manuel, il s’attacha à faire du cours une véritable initiation personnelle à l’étude critique des documents. Commencé en 1898-1899 avec un cours sur les Pères apostoliques, son enseignement poursuivit ensuite l’analyse systématique de la littérature chrétienne jusqu’à Origène (1906-1908) et Hippolyte (1908-1909). En exégèse du Nouveau Testament, Ladeuze s’attacha à rétablir à Louvain le contact des études avec les recherches critiques modernes, domaine qui avait été totalement délaissé par son prédécesseur. Il aborda successivement les Épîtres de saint Paul (1900-1902), les Évangiles synoptiques (1902-1904), les Épîtres catholiques (1904-1905), le IVe Évangile (1905-1907) et les Actes des apôtres (1908-1909). On notera que si peu de choses de ce travail ont été publiées, c’est que Ladeuze était en outre absorbé par le secrétariat de la revue orientaliste Le Muséon, qu’il assura de 1898 à 1901, par la direction de la Revue d’histoire ecclésiastique, qu’il avait fondée avec Cauchie en 1900, et par la présidence du Collège du Saint-Esprit, une « pédagogie » destinée aux étudiants-prêtres. Il publia pourtant deux articles remarquables sur le Magnificat et le IVe Évangile dans lesquels il fut, à notre connaissance, le premier auteur catholique à introduire la critique littéraire dans l’étude du Nouveau Testament. C’est que, admirateur de Lagrange, Ladeuze s’était engagé avec optimisme dans les voies de l’école progressiste et défendait l’idée que la part humaine dans l’élaboration des textes sacrés doit être étudiée systématiquement à l’aide des principes de la critique historique.

La carrière professorale et scientifique de Ladeuze prit fin à la rentrée de 1909, avec sa nomination au rectorat. Proposée par Mgr Hebbelynck, qui souhaitait, entre autres pour des raisons de santé, démissionner, sa candidature fut défendue par Mgr Mercier, contre l’avis de certains évêques, inquiets de ses hardiesses exégétiques, et sans l’approbation de Rome, qui le suspectait de modernisme. Renonçant à ses chères études, le nouveau recteur allait s’appliquer à sa nouvelle tâche avec la même détermination et le même soin que ceux qu’il avait mis à exercer son enseignement. Avant la Première Guerre mondiale, il introduisit de nouveaux cours dans les grades non légaux, réforma le programme des ingénieurs, réorganisa la bibliothèque universitaire et entama le dédoublement linguistique de son institution. Au lendemain du conflit, il entreprit courageusement de faire renaître l’Université de ses ruines et, par la suite, de l’adapter sans cesse aux nouveaux développements scientifiques et techniques. Il réussit, malgré des ressources limitées et les frais liés au dédoublement quasi intégral de l’Université en deux régimes linguistiques, à construire une quinzaine de nouveaux instituts avant la Seconde Guerre mondiale. Demeuré à la tête de son établissement un intellectuel de grande classe, Ladeuze se montra soucieux de conserver à l’Université son rôle de formation générale et d’initiation à la recherche scientifique, en réagissant contre la trop grande spécialisation des études et les tendances utilitaires de l’enseignement. C’est ce mélange rare de qualités d’administrateur et d’idéal intellectuel élevé qui lui valut à la fois d’être appelé le « second fondateur de l’Université » et d’être considéré comme « un homme qui, après le cardinal Mercier, apparaît comme la plus haute et la plus séduisante personnalité scientifique ayant illustré le clergé belge pendant le demi-siècle qui vient de s’écouler » (Lefort). Ladeuze s’éteignit subitement à Louvain dans la nuit du 9 au 10 février 1940, laissant, tant dans l’opinion en général que dans le milieu universitaire, l’image d’un grand savant et d’un grand recteur.

Bibliographie : BN, t. XXXIX, col. 541-563 ; L. Courtois, Paulin Ladeuze (1870-1940). Jeunesse et formation (1870-1898). Vie et pensée d’un exégète catholique au temps du modernisme (1898-1909), Thèse de doctorat inédite en histoire, Université catholique de Louvain, Louvain-la-Neuve, 1998 ; J. Coppens, Paulin Ladeuze, orientalist en exegeet. 1870-1940. Een bijdragen tot de geschiedenis van de bijbelwetenschap in het begin van de XXe eeuw (Koninklijke Vlaamsche Academie voor wetenschappen, letteren en Schoone Kunsten van België. Klasse der letteren en der moreele en staatkundige wetenschappen. Verslagen en mededeelingen, 3e année, n° 3), Bruxelles, 1941, qui a fait l’objet d’une mise au point quelques années plus tard (Id., Son Excellence Mgr Ladeuze. Notice biographique, dans Annua nuntia lovaniensia, t. X, 1954-1955, p. 197-215) ; L.-T. Lefort, Notice sur Mgr Paulin Ladeuze, membre de l’Académie, dans Académie royale de Belgique. Annuaire pour 1954, t. CXX, Bruxelles, 1954, p. 119-153.

L. Courtois

→  Bonne-Espérance ; Blancs Chevaux ; Lefort ; Mercier.

              

  

Classé dans : L'Hocaille