Les rues de LLN
rue des Liégeois
Liégeois
Liégeois (rue des) E7
Conseil communal du 15 avril 1975.
Toponyme créé (toponyme non descriptif).
* Thème des gentilés.
Dans le quartier du Biéreau, toute une série de toponymes évoquent les « pays » de la Wallonie, en nommant leurs habitants.
* Ce serait une gageure de prétendre, en quelques pages, définir de manière nuancée et complète l’esprit de Liège et des Liégeois. Des écrivains illustres s’y sont essayés, comme s’y sont essayés des littérateurs de moindre renom, sociologues ou historiens. S’il leur est arrivé de restituer avec plus ou moins de bonheur les réalités locales, il s’agissait toujours d’un cliché, d’une vue partielle. Pouvait-il en être autrement ?
Car la nature de cette communauté, produit complexe d’une histoire et d’un milieu particuliers, laisse rarement indifférent quand on s’y attache. Nous nous efforcerons simplement de dégager l’une ou l’autre constante dans les réactions collectives des Liégeois, au-delà d’une imagerie d’Épinal simplette qui les réduirait volontiers à leurs blasons populaires de Tiesses di Hoye (« Tête de houille » : ils ont la tête dure mais savent s’enflammer) et de Gueûyes à blame (« Gueules de feu » : ils ont la répartie prompte). Nous n’évoquerons pas ici la francophilie qui leur est communément attribuée : tantôt affaire de conjoncture, tantôt fruit d’une communauté de langue et d’esprit, elle nécessiterait de trop longs développements.
Liège, c’est d’abord un site. Un fond de vallée, ou plutôt une large cuvette née de la rencontre d’un fleuve venu de France — la Meuse — et d’une rivière ardennaise — l’Ourthe. Et tout autour, de (relativement) hautes collines (hauteur très relative : l’altitude est de 62 mètres le long du fleuve, de 168 mètres au niveau de la Citadelle, point culminant), qui lui donnent l’aspect « d’un cul-de-sac, [d’un] fond de nasse » (dixit Paul Dresse). D’une certaine manière, la géographie humaine rejoint la géographie physique. Liège, « petite France de Meuse », « marche de la latinité » pouvait passer pour la dernière grande ville romane aux portes de la germanité : à vol d’oiseau, la frontière de la langue néerlandaise n’est distante que d’une vingtaine de kilomètres, celle des parlers allemands d’une quarantaine. Qu’elle le veuille ou non, elle représente sur le plan ethnolinguistique un terminus culturel beaucoup plus qu’un pont. Mais la culture ne se résume pas à une aire ethnolinguistique. Le rayonnement de Liège fut d’une autre nature, lié qu’il était à la qualité de ses écoles (on la surnomma « l’Athènes du Nord » aux XIe-XIIe siècles) ainsi qu’à la valeur de son industrie (armurerie, houillerie, métallurgie des XVIe-XVIIe siècles aux XIXe-XXe siècles).
Des facteurs relevant de la géopolitique élémentaire de l’époque contemporaine pesèrent peut-être davantage sur son destin. Quand on appréhende l’espace belge, Liège, située à 101 kilomètres de la capitale, paraissait plus éloignée des centres de décision que les villes flamandes de Gent (59 kilomètres) ou d’Antwerpen (45 kilomètres). Ramenée à l’espace wallon, elle se trouvait encore davantage excentrée. Avant la création de l’autoroute de Wallonie, rares étaient les Hennuyers qui s’y rendaient, alors qu’ils subissaient volontiers l’attraction de Bruxelles.
Mais Liège, c’est aussi un nom lié à une histoire. La naissance de l’un, le déroulement de l’autre permettent de comprendre bien des choses.
Philologiquement parlant, l’hypothèse formulée dès 1882 par Godefroid Kurth continue aujourd’hui à rallier bon nombre de suffrages. Un très ancien texte du VIIe siècle, l’Évangéliaire de Ravenne (718 [?], 730 [?]), a conservé la trace d’un hybride Leodicus/Leudicus, forme primitive constituée d’un radical germanique, Leod (ou Liod, liud, leud) ayant le sens de « peuple » mais également de « public ». L’appellation première de Liège aurait été en quelque sorte un terme juridique signifiant « village public », soit (vicus) leudicus. Ainsi désignait-on les terres qui relevaient originellement du fisc franc, héritier du fisc romain. De fait, à la fin du VIIe siècle, le souverain du moment, le mérovingien Clovis III, de qui relevait la contrée, avait octroyé à Lambert, évêque de Tongres-Maastricht, un diplôme par lequel il lui conférait la pleine jouissance de ces domaines, tant sur le plan matériel que spirituel. Telle fut la raison qui amena ce prélat à séjourner de plus en plus fréquemment sur ce site alors très isolé, au pied d’une élévation déclinante qui s’appellera un jour le Publémont, à proximité d’un ruisseau qui allait être connu bien plus tard comme la Légia. En effet, si la forme française de Liège — relevée au milieu du XIIIe siècle — semble dérivée de Legia, celle-ci n’est apparue qu’au Xe siècle (vers 921 [?]). Elle ne fut d’ailleurs appliquée à une section du ruisseau qu’à partir de 1118, dans une poésie anonyme, selon Kurth ; plus tôt, dans un manuscrit du XIe siècle (la Vita Servati) selon Jules Herbillon. Ainsi, contrairement à une explication aussi répandue qu’erronée, la Légia devrait sa notoriété à la ville, ce n’est pas la ville naissante qui a été pêcher son nom dans ses ondes.
Loin de ces considérations, l’évêque Lambert avait achevé son existence en l’an 705 dans le vallon de ladite Légia, vilainement occis dans un obscur règlement de comptes. Le sang répandu baptisa la véritable naissance de la Communauté liégeoise. Hubert, son successeur, ramena la dépouille du martyr sur les lieux de sa « passion » une quinzaine d’années après le drame, répondant ainsi au vœu des populations. Peut-être soucieux de se soustraire aux pressions du pouvoir civil, il transféra le siège épiscopal de Maastricht à Liège. Un agglomérat humain se mit à grandir à l’ombre de la cathédrale qu’Hubert fit élever. Modeste cathédrale et communauté encore mince dont nous ne savons pratiquement rien. L’une et l’autre furent rudement éprouvées lors du raid normand de 882. Lorsque reflua et s’évanouit la fureur des Vikings, on se mit à reconstruire. Le règne de Notger (972-1008) fut le point d’orgue d’une lente montée vers la vie urbaine. Grand bâtisseur d’églises, Notger, prince et évêque, devint aussi le formateur de l’État liégeois, chef d’une entité politique distincte de celle du diocèse et qui parvint à subsister de 980 à 1794. Par la même occasion, Liège, cité ecclésiastique, accédait au rang de capitale d’une principauté souveraine, quasi indépendante dans l’Empire, dont le territoire (passablement déchiqueté et axé sur le cours de la Meuse moyenne) finirait par réunir à la fin de l’Ancien Régime un demi-million de sujets sur près de 5 000 km2. Comme toute capitale, elle succomba parfois au péché d’orgueil, encouragée par des clercs attachés à la cour du Prince. Orgueil des élites… Naïve vanité d’une population aux rangs sans cesse plus étoffés et consciente d’appartenir à une grande ville — elle fut bientôt la plus grande entre Escaut et Rhin, à l’exception de Bruxelles. Les Liégeois prirent l’habitude de traiter de haut les gens de la campagne. Mais ils étaient bien entendu fort divisés entre eux. Divisés par des rivalités de paroisses, où s’articulait la vie communautaire. Divisés par des oppositions de vinaves, de quartiers (les rivageois se voyaient qualifiés de hite-è-Moüse, de « chie-en-Meuse » ; ceux d’Outre-Meuse, où les tanneurs n’étaient pas rares, de magneûs d’cow’ri, de « mangeurs de cuir »). Oppositions de quartiers qui traduisaient surtout des haines sociales. Haines dressant les bourgeois avides de franchises contre l’autorité d’un souverain beaucoup plus prince qu’évêque ou jetant le petit peuple misérable contre les patriciens des lignages. Au bout de conflits incessants, au bout d’une succession de convulsions civiles et de « Paix » (dont la plus célèbre est la Paix de Fexhe de 1316), les bourgeoisies coalisées réussirent à assurer l’existence d’un système constitutionnel où des modes de fonctionnement semi-démocratique coexistaient avec de solides tendances corporatistes. Cela n’alla pas toujours sans poussées démagogiques, sans désastres sanglants. Mais la tradition des luttes pour la liberté fut intégrée dans la mémoire collective, périodiquement revivifiée lorsque le besoin s’en faisait sentir.
Les querelles intestines pouvaient s’atténuer quand montaient les périls extérieurs. Guerres contre le duché de Brabant au début du XIIIe siècle. Guerres plus cruciales au long du XVe siècle contre les ducs de Bourgogne, dont les possessions avaient fini par encercler de toutes parts la principauté. Liège y perdit un temps ses chères franchises, l’essentiel de son indépendance et faillit y laisser l’existence. Le caractère ecclésiastique de l’État liégeois le préserva sans doute, dans le contexte de l’époque, d’une annexion pure et simple. L’écroulement de prétentions bourguignonnes, brisées à Nancy avec la mort du duc Charles (1477), lui permit de renaître à nouveau. Et de marquer sa différence avec les Pays-Bas belgiques, héritiers de la Maison de Bourgogne, contre lesquels la principauté mena jusqu’à son dernier soupir une assez vaine guérilla des tarifs douaniers…
Le point de départ de la crise qui allait entraîner la mort de ce curieux ensemble mi-laïc, mi-ecclésiastique, mi-wallon, mi-thiois commença peut-être au déclin du Grand Siècle (le comté de Looz, qui correspond à l’actuelle province du Limbourg flamand, était d’expression « thioise » ; on ne commencera à dire « flamande » qu’au XVIIIe siècle ; de même, les populations wallonnes de la principauté ne furent reconnues comme telles par les populations des Pays-Bas catholiques qu’à partir des XVIIe-XVIIIe siècles ; à la veille de la Révolution, le processus d’identification mutuelle était pratiquement achevé). Avec le Règlement de 1684, le prince Maximilien-Henri de Bavière s’appliqua à rogner les prescriptions de la Paix de Fexhe et crut avoir réussi à assurer la pérennité du régime autoritaire de ses rêves. Il ne parvint qu’à geler provisoirement les oppositions, qu’à restreindre l’assise sociologique du régime en le réduisant à un gouvernement clérical. Noblesse et bourgeoisies, frustrées de l’espérance du pouvoir, eurent tout le loisir de méditer leur revanche au siècle suivant. Le gros des classes moyennes, pas mal de membres des élites laïques, influencées par les Lumières, se détachèrent d’un système qui les ignorait, en qui elles ne se reconnaissaient plus. Dans de larges couches de la population urbaine (elle stagnait, indice d’une mauvaise santé économique : la cité et ses faubourgs devaient compter, entre 1646 et 1656, de 44 312 à 51 807 habitants ; en 1790-1791, on était à peine passé à 53 317 habitants), l’irréligion progressait, avec les pointes d’anticléricalisme. Cette indifférence religieuse se maintint et pénétra largement les couches sociales au(x) siècle(s) suivant(s). Le pieux et nul Hoensbroeck, incapable de redresser la barre, se vit balayé par « l’heureuse révolution » du 4 août 1789, fille mosane de celle qui, à Paris, avait remporté la Bastille. Le nouvel ordre social prétendait porter des élites « éclairées » et « ouvertes » aux commandes de la puissance publique ; il ne put se stabiliser dans la crise de société ambiante et glissa dans le radicalisme. L’expérience s’achevait, au bout d’un an, par la restauration des autorités épiscopales. Elles n’eurent guère le temps de savourer leur triomphe. Les soldats de la jeune république française se chargèrent, à l’automne 1792, de les chasser à nouveau sous les applaudissements des « patriotes ». De spasmes politiques en allées et venues des armées, l’antique principauté s’abîma au néant.
Le 1er octobre 1795, un décret incorporait le pays de Liège à la France. La ci-devant capitale devenait le chef-lieu du département de l’Ourthe. La majorité des décideurs locaux s’accommoda d’autant mieux du bouleversement intervenu que, d’une part, « leurs idées étaient au pouvoir » et que, d’autre part, ils pouvaient désormais accéder à tous les niveaux de l’appareil d’État. Cerise sur le gâteau : les éléments les plus dynamiques de la classe moyenne supérieure purent s’adjuger à peu de frais les biens d’Église en déshérence. Les anciennes élites d’Ancien Régime, elles, n’en finirent pas de pleurer le naufrage d’un monde qu’elles dominaient du berceau à la tombe. Quant au menu peuple, il suivit le mouvement parfois en traînant les pieds. Empire français supporté mais incapable de se perpétuer…
Royaume des Pays-Bas, mal accepté car perçu comme étranger…
La mise en place inattendue du royaume de Belgique mit, à terme, tout le monde d’accord. Libéraux et catholiques de la Cité ardente se reconnurent dans cette nouvelle construction politique qui, fruit de circonstances extraordinaires plus que d’un vouloir-vivre commun, ne semblait exister que pour leur permettre de concrétiser leurs rêves réciproques. Le rattachement à la France s’avérant impossible, les velléités d’un retour à l’autonomie en 1831 se réduisirent à quelques articles de mauvaise humeur dans la presse. Liège adopta la Belgique sans regret apparent pendant plus d’un demi-siècle. L’attachement au terroir subsistait mais sur un plan strictement intime. Les cadres intellectuels liégeois n’évoquaient plus la perte de leur personnalité d’État libre que pour caresser une nostalgie dépourvue d’incidences pratiques. La ville n’avait-elle pas pris une part essentielle à la lutte contre les Hollandais ? Grâce au suffrage censitaire, l’influence libérale liégeoise ne s’exerça-t-elle pas à maintes reprises de manière utile dans les antichambres ministérielles, de Charles Rogier à Walthère Frère-Orban ? Ainsi que l’exprime avec élégance Marcel Thiry, les Liégeois « avaient une sorte de subconscience d’avoir, sous le nom de Belgique, élargi leur principauté jusqu’à la mer » (L’Action wallonne, 15 juillet 1939). De fait, la Belgique des notables censitaires n’entrava pas l’essor de la cité. Dotée d’une université depuis 1817, encouragée dans le développement de ses structures économiques, elle vit croître sa population aussi rapidement que son bassin industriel, les 56 641 Liégeois de 1830 étant devenus 105 903 en 1865. La conjoncture favorable commença à s’inverser à la fin du siècle. La prééminence de la famille libérale en Belgique s’acheva en 1884 avec le gouvernement Frère-Orban. Le remplacement du censitariat par une forme de suffrage universel (1894) ancra ce parti dans l’opposition. À terme, il fit craquer un pays légal francophone, assura l’émergence d’une Flandre flamingante… et commença à marginaliser Liège, bastion du libéralisme doctrinaire, sur l’échiquier belge. Cela ne se fit pas en un jour. La métropole mosane conservait assurément quelques belles cartes, mais, gros chef-lieu de province, elle ne pouvait plus prétendre, faute de relais, exercer une sorte de principat sur l’ensemble du pays. La distance qui la séparait de Bruxelles s’accrut psychiquement. L’élévation rapide de Bruxelles-capitale, avec son orgueilleux urbanisme léopoldien, lui renvoyait en effet l’image de sa propre « déchéance » tandis qu’elle avait l’impression, point toujours fausse, d’être sous la tutelle de dirigeants qui ne partageaient ni ses intérêts, ni sa sensibilité, ni — plus tard — sa langue.
Alors dans la dernière décennie du XIXe siècle, une fraction de ses élites laïques se découvrit une âme (politique) wallonne contre les « empiétements du flamingantisme » que cultivait une majorité catholique tirant ses gros bataillons du plat-pays. Certes, le menu peuple, la petite bourgeoisie, la majorité des classes moyennes utilisaient toujours massivement le dialecte. Certes, une Société liégeoise de littérature wallonne existait depuis 1856. Mais jusque-là, on n’avait jamais eu l’idée d’utiliser cette caractéristique sur le forum. Tout dépendait évidemment de ce qu’on mettait derrière l’étiquette « wallonne ». À partir de 1905, des cadres politiques et culturels s’activèrent pour que Liège se positionne en pilier du « Mouvement wallon » en attendant de devenir la « Capitale de la Wallonie ». Dans une certaine mesure, cette image s’imposa dans les esprits pour au moins deux générations, sinon trois. En 1980, la plume enthousiaste de Maurice Piron croyait pouvoir conclure de cette mutation identitaire : « Désormais, la patrie liégeoise ne vivra plus que dans le cadre élargi de la patrie wallonne qu’elle aura contribué à faire naître ». Elle y avait mis le temps. Sa prééminence politique au niveau régional reposait sur ces éléments incontournables qu’elle demeurait la plus grande entité urbaine de la Belgique romane — ses 173 792 habitants recensés en 1914 dépassaient de loin les populations de Namur (32 360), de Charleroi (28 120), de Mons (27 828) — et qu’elle essayait de se doter de structures culturelles à l’échelle du pays wallon. En outre, grâce à son université et à ses hautes écoles, elle bénéficiait de cadres efficaces, appuyés par un bassin industriel aux capacités toujours vigoureuses. Enfin, une longue succession de congrès wallons (1892, 1905, 1912, 1913, 1930, 1945) au retentissement médiatique non négligeable contribua à la conforter dans cette image.
Vinrent les jours sombres de la Grande Guerre. La « puissance » liégeoise, érodée en fait depuis 1890, commença à décliner. L’époque suivante fut marquée par une stagnation générale. Vieillie, l’industrie lourde, source traditionnelle de richesses, commençait à être de moins en moins compétitive. Or, facteur aggravant, l’évolution de l’État continuait inéluctablement à marginaliser Liège sans qu’elle parvienne à accoucher d’une Wallonie autrement que par le discours. Malgré différentes initiatives locales pour lui rendre son lustre d’antan, le désarroi gagnait dans les années 1930. Charles Delchevalerie, observateur sensible des opinions professées « autour du perron », constatait à ce moment : « l’isolement qui n’était pas apparent est apparu en crue lumière au cours des vicissitudes de la vie nationale … Le Liégeois, se sentant incompris et brimé, reprend l’habitude de vivre sur son propre fonds […] ».
Ce sombre tableau tracé voici une soixantaine d’années conservait au cœur des années 1980 sa charge de vérité. La situation n’avait fait qu’empirer avec le naufrage des industries lourdes. Une part importante de la richesse liégeoise s’était dispersée suite à des défaillances individuelles et collectives. Liège, bétonnée à l’excès, globalement paupérisée, a de surcroît perdu son rang de capitale wallonne, au profit d’un Namur tout étonné du cadeau. Le désarroi régnait dans bien des esprits, quand ils se prenaient à réfléchir. Le caractère des autochtones, qui passait pour vif et insouciant, tendit trop souvent à glisser dans un lèyîz-m’plorisme (un ‘laisser-moi pleurer’) existentiel. Ne retrouvait-on pas dans cet état des lieux morose l’essentiel des faiblesses de la société liégeoise relevées au fil de son histoire : sclérose récurrente des élites, gaspillage des énergies, myopie politique ? Et un esprit de fronde qui se réduisait à un populisme sans perspective, quand il n’exprimait pas la hargne de corporatismes en bout de course. Mais ces circonstances ne se retrouvent-elles pas dans toutes les communautés en crise ? Un jour la crise finira… Liège sera toujours là, avec ses vertus et ses faiblesses, réelles ou imaginées.
Bibliographie : Ch. Delchevalerie, Autour du perron. Images liégeoises, Paris-Bruxelles, 1932 ; L. Deroy, Les noms de la ville de Liège depuis l’Antiquité, dans La Vie wallonne, 1998, p. 6-9 ; DHGA, p. 851-858 ; A. Doppagne, Enquête sur le gentilé et le blason populaire des communes wallonnes, dans Les dialectes belgo-romans, nos 3-4, juillet-décembre 1947, p. 158-176 ; P. Dresse, Le complexe belge, Bruxelles, 1969, p. 69-97 ; Th. Gobert, Liège à travers les âges. Les rues de Liège, t. I, Bruxelles, 1975 ; É. Helin, La population des paroisses liégeoises aux XVIIe et XVIIIe siècles, Liège, 1959 ; A. Henry, Offrande wallonne, Andenne, 1990, p. 43 et 122 ; J. Herbillon, Les noms des communes de Wallonie, Bruxelles, 1986, p. 92 ; Id., Petite histoire du nom de Liège, dans Bulletin du Vieux-Liège, nos 210-211, juillet-décembre 1980, p. 559-566 ; Histoire de Liège, sous la dir. de J. Stiennon, Toulouse, 1991 ; G. Kurth, Les origines de la ville de Liège, dans Bulletin de la Société d’art et d’histoire du diocèse de Liège, t. II, 1882, p. 57sv. ; Id., La commune de Liège dans l’histoire, Liège, 1906 ; J. Lejeune, La principauté de Liège, Liège, 1949 ; F. Magnette, Précis d’histoire liégeoise à l’usage de l’enseignement moyen, Liège, 1929 ; A. Moors-Schoefs, La Légia, Ans, 1990 ; M. Piron, De la préhistoire de « Wallonie » à la survivance « d’Éburon », dans La Vie wallonne, 1980, p. 105-119 ; Id., Wallons, dans Revue de psychologie des peuples, mars 1970.
A. Colignon
→ Meuse ; Namur ; Pays Mosan ; Thiry ; Wallonie ; Wallons.