Les rues de LLN

ville de Louvain-la-Neuve

ville de Louvain-la-Neuve
1348
Louvain-la-Neuve

Louvain-la-Neuve

Louvain-la-Neuve (ville de)

Conseil communal du 16 septembre 1980.

Toponyme créé (toponyme non descriptif).

*      Thème du passé universitaire.

*      Thème du patrimoine wallon.

Née du Walen buiten, Louvain-la-Neuve est le résultat d’un projet urbanistique ambitieux destiné à accueillir en Wallonie la section francophone de l’antique Alma Mater louvaniste. Indépendamment du jugement personnel que l’on peut porter sur elle, la ville nouvelle a incontestablement réussi son pari de mêler harmonieusement les fonctions urbaines et universitaires et constitue d’ores et déjà un élément important du patrimoine wallon.

*    Il est bien difficile de retrouver les dossiers contenant des informations à propos de la création du nom « Louvain-la-Neuve ». En effet, ce nom n’a pas été choisi par les membres de la Commission de toponymie, comme les autres toponymes, mais par certaines personnalités universitaires.

D’après une note du Service des relations extérieures de l’Université au Conseil de Direction de l’Université en date du 22 septembre 1969, ce serait Monsieur V. Gruen, chargé de dessiner les plans de la ville qui, le premier, aurait évoqué la nécessité d’attribuer un nom à la ville nouvelle, proposant « Louvain-Nouveau » [D Wattiez].

Plusieurs autres noms ont été suggérés : « Ottignies, Louvain-la-Wallonne, Louvain-la-Neuville, Louvain-l’Université, Nouveau Louvain, Neulouvain, Franc-Louvain, Louvain français, Louvain-lez-Ottignies, Louvain neuf, Louvain-Lauzelle, Louvain-Sart, Louvain-sud-Française, Louvain francophone, Louvain-Wallon, Louvain-Mondial, Louvain-Universel, Louvain 2000, Lovanium, Lovania, Louvain-Notre-Dame, Louvain-Espérance, Louvain-le-Roc, Louvain-du-Sud, Louvain de Toujours. On imagina même Neuflouvain, New Leuven, Louvain-Flamingen-Buiten (sic), Leuvain ou Louvingrad… » [LLNW, p. 177].

D’après les professeurs M. Woitrin, W. Bal, A. Goosse, A. d’Haenens et M. J. Martin, c’est Monsieur S.-P. Nothomb qui a lancé le nom de « Louvain-la-Neuve » et qui l’a diffusé dès septembre 1968. Il se serait inspiré de sa commune natale « Habay-la-Neuve ». D’après Jean-Marie Lechat, cependant, l’idée ne vint pas de S.-P. Nothomb, même s’il s’y rallia immédiatement. La dénomination de « Louvain-la-Neuve » parut pour la première fois dans le journal Vers l’Avenir du 28 octobre 1968, où le nom était jugé meilleur que « Louvain-lez-Ottignies » ou « Louvain français ». Dans la note du Service des relations extérieures du 22 septembre 1969, cependant, un choix précis n’avait pas encore été fait. Il semblerait donc que « le nom s’est imposé par l’usage » et que les faits ont précédé les lois [LLNW, p. 177 ; Tém. Woitrin]. Au Conseil académique du 11 janvier 1971, le nom de « Louvain-la-Neuve » semble être accepté par l’Université et par le Conseil communal. « Louvain-la-Neufville » y est qualifiée « d’expression tombée en désuétude » [extrait du rapport du Conseil académique, 11/1/71].

Le choix de « Louvain-la-Neuville » aurait peut-être été encore plus parlant, puisque « Neuville » était le nom d’un lieudit du plateau de Lauzelle entre les XVIe et XVIIe siècles. Ainsi, employant « Louvain-la-Neuville », on aurait gardé non seulement le souvenir de l’Université, mais aussi celui des terres de Lauzelle qui allaient totalement changer de vocation, tout en posant un regard sur l’avenir. Certains ont aussi pensé dénommer le site simplement « Lauzelle » (voir par exemple RBPH, XLVIII, p. 773), prônant par là un respect maximal de ce qui existait. Maintenir le nom de « Louvain » était une arme à double tranchant. Bien sûr, les autorités voulaient garder le nom de l’Université mais, d’autre part, le danger de confusion était inévitable entre « Louvain-la-Neuve » (souvent abrégé en « Louvain ») et « Leuven », anciennement « Louvain ». Encore aujourd’hui, le courrier et les visiteurs se perdent bien souvent.

À la suite de la fusion des communes de 1977, le nom de « commune d’Ottignies-Louvain-la-Neuve » fut donné à l’entité regroupant les anciennes communes d’Ottignies, de Céroux-Mousty et de Limelette [LLNW, p. 229]. Ce nom est fort long, si bien que, souvent, on en omet une partie. Or, pendant un certain nombre d’années, la gare d’Ottignies fut parfois mentionnée « Ottignies-Louvain-la-Neuve » et celle de Louvain-la-Neuve « Louvain-la-Neuve-Ottignies ». La confusion régnait déjà entre Leuven et Louvain ; elle exista un temps entre Ottignies et Louvain-la-Neuve. C’est pour éviter cette situation que les autorités des chemins de fer ont rebaptisé récemment la gare de la ville universitaire « Louvain-la-Neuve–Université ».

Quant au gentilé des habitants de Louvain-la-Neuve, on a hésité entre l’appellation « Novolouvaniste » et « Néolouvaniste ». La Commission de toponymie estima que « novo » n’était pas excellent et que « néo » donnait une impression de « ressuscité ». De fait, « néo » peut avoir le sens de « renouvelé, modernisé » comme dans le domaine des arts (néo-classique), de la politique, etc., mais son sens premier reste « nouveau, récent » [TLF]. Le TLF donne même en exemple : « néo-canadien, qui est installé depuis peu au Canada ». Entre ces deux dénominations qui paraissaient artificielles, la Commission n’a pas tranché et a estimé qu’on pourrait tout aussi bien employer « habitant de Louvain-la-Neuve » [PV 22]. Une nouvelle fois, l’usage semble l’emporter sur toute décision. En effet, la presse parle souvent des « néo-louvanistes », mais, hésite sur la forme a adopter : dans La Libre Belgique du 16/9/89, on fait allusion aux « néo-louvanistes » et dans Le Soir, Brabant wallon, du 17 avril 1990, on parle du « site néolouvaniste ». J. Hanse constate, de fait, que le préfixe « néo- » tend à s’agglutiner à l’élément qui suit, mais que le trait d’union reste fréquent [NDDF, p. 612].

I. Lejeune

*    Suite au conflit linguistique, les évêques de Belgique décidèrent, durant l’été 1962, de scinder l’Université catholique de Louvain en deux sections, francophone et néerlandophone.

Les résistances des autorités académiques en place amenèrent les évêques à modifier profondément les organes dirigeants de l’Université. Dorénavant la section francophone serait représentée au Conseil d’administration de l’Université catholique de Louvain-Katholieke Universiteit Leuven (appelée en néerlandais Katholieke Universiteit Leuven-Université catholique de Louvain…) par un pro-recteur, Mgr Litt, puis après sa mort, par Mgr Massaux (avril 1965) et un administrateur général, le professeur Michel Woitrin, désigné en avril 1963.

L’augmentation rapide du nombre d’étudiants poussa les autorités académiques des deux sections à chercher de nouvelles localisations pour dédoubler ou transférer une partie des activités universitaires. C’est ainsi que la construction d’un hôpital universitaire et le transfert de la Faculté de médecine de la section francophone à Woluwé-Saint-Lambert se décidèrent dès février 1963 et s’organisèrent avec les autorités politiques sans déclencher de conflit communautaire.

Par contre, très vite les responsables néerlandophones réclamèrent un déménagement de toutes les facultés francophones de Leuven et non un simple dédoublement comme les autorités de la section francophone le défendèrent jusqu’à la chute du gouvernement Vanden Boeynants, en février 1968.

Le professeur Woitrin, tout en défendant le principe du dédoublement qui maintenait une présence francophone à Leuven, se rendit compte, dès la fin de 1963, que la résistance serait très difficile et qu’il fallait se préparer au pire. La loi Janne du 9 avril 1965, précédée d’un accord entre l’Université libre de Bruxelles et l’Université catholique de Louvain (accord du 25 mai et avenant du 10 juin 1964), autorisait ces deux institutions à essaimer respectivement dans les cantons de Nivelles et de Wavre.

En novembre 1965, Michel Woitrin, dans le journal estudiantin francophone L’Ergot, évoqua, à propos de l’expansion de la section francophone et sa localisation, du « ’Triangle’ : Louvain-Bruxelles-Wavre ». Les Flamands dénoncèrent dans cette idée la menace de « la tache d’huile », en accusant les francophones de vouloir franciser Louvain comme ils l’avaient fait à Bruxelles.

À partir de ce moment, et bien que certaines personnalités chrétiennes wallonnes aient évoqué un autre choix (Charleroi ou Namur), le futur siège de l’Université était dévolu au canton de Wavre. Après des négociations en vue d’acquérir jusqu’à 600 hectares au nord de Wavre, mais qui n’aboutirent pas en raison de l’opposition des propriétaires, la section francophone accepta l’offre répétée que lui avait soumise le bourgmestre d’Ottignies, Yves du Monceau, de venir s’établir dans sa commune, sur le plateau de Lauzelle.

Fin juillet 1967, le gouvernement belge décidait de céder la Plaine des manœuvres d’Etterbeek à l’Université libre de Bruxelles. Le montant de cette cession était estimé à 764 millions et cette dernière fut transformée en un emprunt auprès de la Caisse générale d’épargne et de retraite (CGER), pour une durée de 40 ans au taux de 1,25%. En contrepartie, la même somme était allouée dans les mêmes conditions à l’Université de Louvain, lui permettant d’acheter environ 800 hectares sur le plateau et le bois de Lauzelle.

Conscient de la nécessité de préparer l’avenir, le professeur Woitrin avait, entre 1963 et 1967, multiplié la visite de divers sites universitaires dans le monde. Dès 1963, il s’était convaincu de ce que les universités implantées dans de petites villes dont l’université était devenue l’activité première, assuraient une formation bien plus équilibrée que celle que l’on dispense dans des campus autonomes. Il avait étudié à Cambridge, mais Leuven restait l’exemple type de cette solution. Sa vision était que la ville universitaire doit être un carrefour où se côtoient jeunes et vieux, enseignants, chercheurs et étudiants de l’ensemble des sciences humaines et des sciences dites exactes, intellectuels et manuels, gens d’ici et d’ailleurs. Dans cette perspective, l’option d’une ville piétonne était importante pour créer ce qu’il appellera dès 1965 un « brasier d’âmes ».

Wavre aurait pu être une agréable petite ville universitaire… À Ottignies, sur le plateau de Lauzelle, il fallait créer une ville nouvelle de toutes pièces ! La conque qu’offrait la vallée de la Malaise sur ce plateau était très appréciée par son ami le professeur Raymond Lemaire, historien de l’art, mais très impliqué dans la réhabilitation des monuments et sites anciens.

Le 30 août 1967, Woitrin rencontra l’urbaniste Victor Gruen à Los Angeles et fut séduit par sa vision de la ville et la grande compétence de son bureau. Gruen amenait l’idée que la densité de population permettait de très nombreuses économies d’infrastructures et que la grande majorité des voitures devait rester à la périphérie des villes. En septembre 1968, Gruen proposa une maquette développant un premier projet de ville nouvelle basé sur une programmation des besoins universitaires établie par les services de l’Université et chiffrés en mètres carrés. La vision des tours de ce projet bâties sur de larges plate-formes sous lesquelles étaient implantées toutes les fonctions collectives, non seulement urbaines mais aussi universitaires (dont les laboratoires et les auditoires), provoqua un véritable phénomène de rejet de la part de la communauté universitaire. C’est ce qui justifia, en octobre 1968, la création du groupe Urbanisme-Architecture (U-A), placé sous la direction du professeur Lemaire et chargé d’établir un nouveau projet. Celui-ci restait cependant en concurrence avec le bureau Gruen, qui continuait à envoyer des contre-projets et critiquaient ceux proposés par le groupe U-A.

Le 15 octobre 1970, les autorités de l’Université approuvèrent le projet de Plan directeur déposé par le groupe U-A et lui confièrent la mission de le mettre en œuvre. Des idées de Gruen, il restait : la dalle couvrant le Centre urbain réservée en surface à une zone piétonne, l’idée de densité de l’habitat (mais prévoyant 50% du sol destiné à l’habitat pour des maisons unifamiliales, ce que n’avait pas envisagé Gruen), et la séparation des réseaux piétons et automobiles principaux.

L’objectif de 50 000 habitants, proposé par Gruen pour justifier le coût des infrastructures et défendu par Woitrin pour justifier la demande de ces mêmes infrastructures, était critiqué par Lemaire, qui ne précisait dans son plan directeur qu’une première phase limitée à 30 000 habitants, estimation en fait bien plus proche des possibilités actuelles du site.

La ville de Louvain-la-Neuve telle qu’elle se présente en 2010 est largement conforme au Plan directeur de 1970, tant dans le tracé des voiries piétonnes et automobiles que dans l’affectation des zones et surfaces prévues aux différentes programmations (académiques, d’habitat et commerciales).

Bibliographie : Une aventure universitaire, sous la dir. de G. Ringlet, Bruxelles, 2000 ; Louvain-la-Neuve. Droit de cité, Louvain-la-Neuve, 1997 ; J.-M. Lechat, Louvain-la-Neuve. Trente années d’histoires, Louvain-la-Neuve, 2001 ; Id., Naissance de Louvain-la-Neuve. Chronique d’une aventure entrepreneuriale, Louvain-la-Neuve, 2006 ; Louvain-la-Neuve. Présentation du plan directeur et des extensions du centre urbain, Louvain-la-Neuve, 1993 ; Louvain-la-Neuve et sa région (Acta geographica lovaniensia, t. XXIX), sous la dir. de Th. Brulard, Louvain-la-Neuve, 1987 ; J. Rémy, Louvain-la-Neuve, une manière de concevoir la ville : genèse et évolution, Louvain-la-Neuve, 2007 ; J.-L. Roland, Ottignies-Louvain-la-Neuve. Paradoxes, réussites et perspectives d’une ville atypique, Louvain-la-Neuve, 2010 ; V. Rousseaux, L’urbanisme d’une ville nouvelle. Louvain-la-Neuve, Namur, 1997 ; L’Université catholique de Louvain. Vie et mémoire d’une institution, sous la dir. d’A. d’Haenens, Bruxelles, 1993 ; M. Woitrin, Louvain-la-Neuve et Louvain-en-Woluwe. Le grand dessein, Gembloux, 1987.

J.-M. Lechat

→      Accueil ; Lemaire ; Massaux ; Woitrin.

Classé dans : Centre Ville