Les rues de LLN
Collège Désiré Mercier
Mercier
Mercier (Collège Désiré) D5
Mercier (place Cardinal) D5
Mercier (rue Cardinal) D5
Domaine universitaire.
Conseil communal du 13 septembre 1977.
Toponyme créé (toponyme indirectement descriptif).
* Thème des figures de nos régions.
* Thème du patrimoine européen et universel.
* Thème du passé universitaire.
* Thème des sciences humaines.
La « place du Cardinal Mercier » et la « rue du Cardinal Mercier » rappellent la figure de Désiré-Joseph Mercier (1851-1926), fondateur de l’Institut supérieur de philosophie à l’Université catholique de Louvain et archevêque de Malines de 1906 à 1926. Assez logiquement, c’est le nom du fondateur qui a été retenu pour le bâtiment néo-louvaniste de l’Institut inauguré en 1995 : jusque là, l’Institut avait occupé des bâtiments provisoires dans le « Collège Thomas Moore », auxquels on accédait, petit clin d’œil, par le « chemin d’Aristote ».
* Désiré‑Joseph Mercier naquit à Braine‑l’Alleud, en Roman Pays de Brabant, le 21 novembre 1851. Après avoir fréquenté l’école du village, il apprit les premiers rudiments de latin grâce aux leçons d’un vicaire de paroisse, avant d’entrer en cinquième gréco‑latine au Collège Saint‑Rombaut de Malines en 1863. Ses humanités terminées, le jeune Mercier s’engagea dans les études ecclésiastiques : après sa philosophie au petit séminaire de Malines de 1868 à 1870 et sa théologie au grand séminaire de la ville de 1870 à 1873, il partit parachever sa formation à Louvain. Ordonné le 4 avril 1874, durant ses études universitaires, le jeune abbé Mercier revint à Malines en 1877, fort d’une licence en théologie. Il fut alors chargé de l’enseignement de la philosophie au petit séminaire et, bientôt, de la direction spirituelle des séminaristes.
Après cinq années consacrées aux études philosophiques et à la formation religieuse des futurs prêtres, Mercier fut désigné en 1882 par les évêques belges pour mettre sur pied la chaire de philosophie thomiste dont le pape Léon XIII réclamait l’érection à Louvain. Ayant préconisé en 1879 un retour de la philosophie catholique à l’enseignement de saint Thomas (encyclique Aeterni Patris), le Souverain Pontife entendait ainsi favoriser la diffusion internationale du thomisme, Louvain étant à l’époque la seule université catholique complète au monde. Inconnu, à peine âgé d’une trentaine d’années, le nouveau professeur avait été proposé au choix de l’épiscopat belge par Mgr Du Rousseau, son ancien supérieur au petit séminaire de Malines et récemment nommé sur le siège de Tournai. L’abbé Mercier n’était pas sans atout pour réussir dans sa tâche. Initié au thomisme dès ses études louvanistes, il avait notamment développé au cours de son enseignement philosophique à Malines une conception très ouverte du thomisme, conscient qu’il était de la nécessité d’en rafraîchir certains aspects en tenant compte des questions posées par la philosophie contemporaine et par les sciences positives. Doué de surcroît de qualités personnelles très appréciées de la gent estudiantine (intuition des problèmes intellectuels, liberté de parole, capacité d’écoute, etc.), son enseignement obtint rapidement un écho enthousiaste.
Ayant réussi à s’agréger quelques élèves de valeur et fort du succès de son enseignement, Mercier obtint bientôt la création d’un véritable « Institut supérieur de philosophie » dont il allait faire en quelques années une institution de réputation internationale. À partir de 1892, partiellement pour assurer à son œuvre un recrutement plus régulier que celui des laïcs, Mercier obtint également du pape la création d’un séminaire (le « Séminaire Léon XIII ») où des candidats au sacerdoce pourraient recevoir une bonne formation philosophique avant de poursuivre l’étude de la théologie dans leur diocèse. Dans ce domaine également, Mercier se montra novateur, en instaurant un régime de vie davantage axé sur l’autonomie de la personne de préférence au dressage disciplinaire.
Nommé archevêque de Malines en 1906 et créé cardinal l’année suivante, l’ancien président de l’Institut de philosophie allait se révéler en maints domaines un prélat d’avant‑garde. Dès son arrivée sur le siège de saint Rombaut, le nouvel archevêque s’attacha à développer la formation intellectuelle et spirituelle de son clergé, élément qu’il jugeait indispensable à un plus grand rayonnement du prêtre auprès des fidèles. À une époque où l’on considérait volontiers le clergé régulier comme le modèle par excellence de vie religieuse, il eut à cœur de défendre la valeur et la consistance propres de l’« ordre sacerdotal », notamment à travers des retraites et conférences aux prêtres et séminaristes de son diocèse. Bientôt publiées et traduites en plusieurs langues, ces retraites et conférences connurent une grande diffusion et furent d’ailleurs le point de départ d’un renouvellement de la spiritualité sacerdotale. C’est également dans cette perspective que le primat de Belgique fonda, en 1907, la revue La Vie diocésaine, et, à la fin de sa vie, la « Fraternité sacerdotale des amis de Jésus ».
Dès son installation à Malines également, le nouvel archevêque se montra très soucieux d’une plus grande participation des laïcs à la vie de l’Église. Dans le domaine liturgique tout d’abord, où il s’employa d’emblée à rehausser la solennité des cérémonies et à accroître la participation des fidèles. En 1909, il fut même à l’origine du rapport présenté au Congrès de Malines par dom Lambert Beauduin et consacré à La vraie prière de l’Église, qui allait être le point de départ de l’action liturgique de l’abbaye du Mont‑César à Louvain (avec notamment la revue Les questions liturgiques). Toujours dans le domaine de la participation des laïcs, c’est Mercier également qui fut l’inspirateur du chanoine Abel Brohée dans la création en 1909 du secrétariat des Œuvres apologétiques, prélude à l’Association catholique de la jeunesse belge, et dans lequel on peut discerner les débuts de l’Action catholique en Belgique. Après la guerre enfin, il apporta un précieux soutien à l’abbé Joseph Cardijn, fondateur de la Jeunesse ouvrière chrétienne, et fut l’initiateur des Auxiliaires de l’Apostolat, susceptibles d’apporter à l’évêque le concours d’un laïcat engagé.
Dans le domaine de l’action politique, si Mercier considéra toujours — avec ce que cela implique d’interventionnisme clérical dans les affaires publiques — le parti catholique comme le bras séculier de l’Église, il eut en maints domaines des positions avancées ou à tout le moins, des points de vue nuancés pour l’époque. Partisan, dans ses cours de philosophie sociale professés à Louvain dès 1885, de l’intervention de l’État dans la question sociale, il fut, comme archevêque, d’emblée acquis à la démocratie chrétienne. Chez lui, l’opposition au socialisme n’était guère commandée par l’audace des revendications du Parti Ouvrier Belge, mais bien par son principe de lutte des classes, qu’il jugeait antichrétien, et par ses positions anticléricales, particulièrement dans le domaine de l’enseignement confessionnel. Cette absence d’antisocialisme « viscéral » transparaît notamment en 1909 lorsque, favorable au service militaire personnel, il approuva l’attitude du chef de cabinet catholique qui s’était appuyé sur la gauche — ce que d’aucuns considéraient comme une trahison — pour obtenir le vote d’une mesure refusée par l’aile droite catholique. Si après la guerre, il regretta l’octroi du suffrage universel — auquel il était en principe aquis — dans un contexte jugé peu opportun et la perte de la majorité absolue du parti catholique qui en résulta, il sut s’adapter avec réalisme et c’est, en fin de compte, avec son assentiment que fut formé le premier cabinet de coalition démocrate chrétien‑socialiste en 1925. Toujours sur le terrain de l’action publique, Mercier contribua par ailleurs puissamment au développement de ce que l’on appelait à l’époque les « œuvres sociales ». Dès son arrivée à Malines, enfin, il apporta au Père Georges Ceslas Rutten, l’instigateur des premiers syndicats chrétiens, un soutien marqué et qui ne devait jamais faiblir.
L’engagement politique de Mercier resterait cependant obscur si nous ne rappelions son enracinement dans une certaine conception du patriotisme. Pour lui, l’action dans l’ordre naturel n’était pas seulement commandée par l’incidence religieuse des questions mixtes. Il estimait que l’intérêt pour les « choses patriotiques » était en soi un devoir et une vertu. Sans entrer dans une exégèse complexe de l’idée de patrie chez Mercier, disons que, au‑delà de ce que peuvent avoir de choquant aujourd’hui certains de ses propos dans ce domaine, ce qui est au fond en jeu, c’est l’intuition — très moderne — qu’un catholique ne peut se désintéresser des affaires de la cité et qu’il doit prendre sa part dans l’édification d’un monde plus juste. C’est déjà sous l’inspiration de cette intuition qu’il avait rédigé sa pastorale La Piété patriotique en 1910 et qu’il résista courageusement à l’occupation allemande pendant la guerre 1914‑1918. Constatant parmi la population les premiers signes de découragement et le succès de la propagande allemande tendant à légitimer le viol de la neutralité belge ainsi que les sévices commis contre les populations civiles, Mercier publia fin décembre 1914 sa célèbre lettre pastorale Patriotisme et endurance dont le retentissement fut immense, tant en Belgique qu’à l’étranger.
Jouissant, comme fondateur de l’Institut supérieur de philosophie et comme grande figure de la résistance, d’un crédit considérable, le chef de l’Église de Belgique devait encore s’illustrer au cours des dernières années de sa vie avec les célèbres « Conversations de Malines ». Conscient que l’évêque est le successeur des apôtres et que l’action épiscopale ne doit pas forcément se cantonner aux affaires diocésaines, Mercier finit par accepter les propositions de rencontres entre catholiques et anglicans que l’abbé Portal et lord Halifax étaient venus lui proposer d’organiser. À trois reprises, après la réunion initiale du 21 décembre 1921, il réunit à Malines, avec l’aval de Rome, des théologiens et experts des deux confessions pour des discussions privées sur les conditions d’un éventuel rapprochement. Si ces réunions demeurèrent sans lendemain dans l’immédiat, elles n’en constituaient pas moins les premières rencontres entre catholiques et protestants depuis la Réforme et surtout, dans ce domaine comme en tant d’autres de l’action de Mercier, elles ouvraient des voies nouvelles.
Souffrant d’un cancer, le grand cardinal s’éteignit à Bruxelles le 23 janvier 1926 au milieu de la considération de tous. C’est en présence de nombreuses personnalités belges et étrangères qu’il fut enterré, tandis que le gouvernement belge, à la demande du socialiste Émile Vandervelde, lui organisait des funérailles nationales.
Bibliographie : D.A. Boileau, Cardinal Mercier : a Memoir, Herent, 1996 ; A. Simon, Le cardinal Mercier (Collection Notre passé), Bruxelles, 1960 ; R. Aubert, Le cardinal Mercier (1851-1926). Un prélat d’avant-garde. Publications du professeur Roger Aubert rassemblées à l’occasion de ses 80 ans, hommage édité par J.-P. Hendrickx, J. Pirotte et L. Courtois, Louvain-la-Neuve, 1994 ; R. Boudens, Two Cardinals. John Henry Newman. Désiré Joseph Mercier (Bibliotheca Ephemeridum theologicarum Lovaniensium, t. CXXIII), éd. par L. Gevers, avec la coll. de B. Doyle, Leuven, 1995, p. 175-353.
L. Courtois