Les rues de LLN

Collège Montesquieu

Collège Montesquieu
1348
Louvain-la-Neuve

Montesquieu

Montesquieu (Auditoires)                       E5

Montesquieu (Collège)                        E5

Montesquieu (place)                          E5

Montesquieu (parking)                         E5

Montesquieu (rue)                           E5

Montesquieu (Traverse)               [E5, abandonné]

Domaine universitaire (auditoires, collège et parking). Conseil communal du 28 octobre 1975 (place et rue).

Toponyme créé (toponyme indirectement descriptif).

*       Thème du patrimoine européen et universel.

*       Thème des sciences humaines.

*       Thème des toponymes descriptifs.

« Place Montesquieu » et « rue Montesquieu » célèbrent Charles de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu, moraliste et philosophe français. Elles tirent évidemment leur nom de leur proximité avec le bâtiment occupé par la Faculté de droit (« Collège Thomas More») : théoricien de la séparation des pouvoirs, Montesquieu reste une référence universelle pour les juristes. Elles ont également donné leur nom au parking souterrain et aux auditoires voisins. Pour satisfaire à la demande des service de sécurité, il fut un moment question d’appeler officiellement la voirie d’accès au parking « traverse Montesquieu » [PV OL 4], mais ce nom n’a pas été retenu. Comme il s’agissait d’un chemin « privé », l’Université l’a longtemps désignée « traverse Thomas More » [PV 54], mais ce nom n’a pas été officialisé. Il semble que l’on s’oriente, par souci de cohérence, vers « traverse Jaune ».

*    Montesquieu (1689-1755).

Le 28 décembre 1688 éclatait la « Glorieuse Révolution » en Angleterre, ce pays qu’un petit enfant né quelques semaines plus tard, au château de La Brède, en Guyenne, devait, dans L’Esprit des lois (1748) donner comme modèle de gouvernement, tout en en connaissant les faiblesses. Descendant d’une longue lignée originaire du Berry, installée en Agenais, puis à Bordeaux, Charles-Louis de Secondat, baron de La Brède et de Montesquieu, dès son enfance, est destiné à devenir parlementaire, comme son grand-père, Jean-Baptiste-Gaston de Secondat, et son oncle paternel, Jean-Baptiste de Secondat. Il reçoit au collège oratorien de Juilly, entre 1700 et 1705, un enseignement imprégné de la physique et de la mécanique cartésiennes et y acquiert une méthode de travail ainsi définie par le P. Lamy dans ses Entretiens sur les sciences : « Un homme se propose une fin, et pendant une vingtaine d’années, il tire de toutes ses lectures ce qui servira à son dessein ; après quoi, il est facile de faire de cet amas si exact un très riche ouvrage ». Pour compléter des études de droit qu’il fait à Bordeaux, son père, Jacques de Secondat, envoie Montesquieu à Paris de 1709 à 1713. Il y mène une vie studieuse, rédige les six volumes de la Collectio juris, écrit un Discours sur Cicéron composé dans un élan d’admiration pour le grand orateur et l’homme politique romain, se lie avec Fontenelle et Nicolas Fréret, s’intéresse à la Chine en notant ses conversations avec Arcadio Hoange, l’interprète chinois de la Bibliothèque royale. S’il est sans doute enclin à rechercher la compagnie des femmes, sa discrétion et sa réserve naturelles ne permettent pas de savoir à quelles expériences amoureuses il s’est peut-être abandonné.

La mort de son père, en 1713, ramène Montesquieu à Bordeaux. Devenu chef de famille, il épouse, en 1715, une riche protestante, Jeanne de Lartigue, qui lui donnera trois enfants : Jean-Baptiste (1716), Marie (1717) et Denise (1727). Siégeant, dès 1714, au Parlement de Bordeaux, comme conseiller, il devient président après la mort de son oncle Jean-Baptiste, mais éprouve de plus en plus de difficulté à se plier aux obligations de sa charge : « Quant à mon métier de président, j’avais le cœur très droit, je comprenais assez les questions en elles-mêmes ; mais quant à la procédure, je n’y entendais rien. Je m’étais pourtant appliqué, mais ce qui me dégoûtait le plus, c’est que je voyais à des bêtes ce même talent qui me fuyait pour ainsi dire » (Pensées, 213).

Membre assidu, dès son élection (1716), de l’Académie royale des sciences, arts et belles-lettres de Bordeaux, Montesquieu a reconnu ce qu’il devait à la fréquentation de ses confrères : « Je feignis un grand attachement pour les sciences et, à force de le feindre, il me vint réellement ». Auteur d’un Projet, sans lendemain, d’une Histoire physique de la terre ancienne et moderne, publiée dans le Mercure de France (1719), il lit à l’Académie une dissertation sur la Politique des Romains dans la religion (1716), un Essai d’observations sur l’histoire naturelle (1719) et un Traité des devoirs (1725), dont il ne subsiste que des fragments.

Comme tous les parlementaires bordelais du XVIIIe siècle, Montesquieu possédait aux environs de Bordeaux des propriétés foncières ; il y cultivait la vigne, mais aussi les céréales, le tabac et s’y adonnait à l’élevage. De toutes ses propriétés, Raymond, Clairac ou Montesquieu, La Brède avait sa prédilection : « Ce qui fait que j’aime être à La Brède, c’est qu’à La Brède, il me semble que mon argent est sous mes pieds. À Paris, il me semble que je l’ai sur mes épaules. À Paris, je dis : ‘Il ne faut dépenser que cela’. À ma campagne, je dis : ‘Il faut que je dépense tout cela’ » (Pensées, 2169).

Dans le secret, Montesquieu mûrissait une œuvre, les Lettres persanes, qui, en 1721, allaient inaugurer, d’une manière éclatante, le premier siècle des Lumières. Elles furent publiées à Amsterdam, sous l’anonymat, par Suzanne de Caux, veuve d’Henri Desbordes, sous les fausses adresses « À Cologne, chez Pierre Marteau » et « À Amsterdam, chez Pierre Brunel ». À côté d’une critique philosophique, les Lettres persanes renferment, dans une intrigue romanesque orientale, une peinture des mœurs françaises à la fin du règne de Louis XIV et au début de la Régence, des éléments personnels se référant à la vie de l’auteur, des idées politiques de réaction aristocratique — l’absolutisme y apparaît comme une menace dirigée contre le statut social de la noblesse — et une attention nouvelle aux origines économiques et aux modalités marchandes de la richesse et de la véritable puissance des nations. Si Montesquieu ne souhaite nullement saper les fondements de la monarchie française, il recherche un ordre stable fondé sur la justice et sur la nature, c’est-à-dire sur les exigences fondamentales du cœur et de la raison.

Le succès des Lettres persanes entraîne Montesquieu à des séjours de plus en plus fréquents à Paris, où il fréquente la société galante de Mlle de Clermont, à qui il dédie le Temple de Gnide (1725) ; en 1726, il vend sa charge de président au Parlement de Bordeaux. Assidu au salon de Mme de Lambert, il est élu à l’Académie française, au fauteuil de Louis de Sacy, après avoir surmonté une longue cabale, et y est reçu (janvier 1728).

Quelques semaines plus tard, il quitte Paris pour Vienne et accomplit jusqu’au mois de mai 1731 un long voyage européen, en Autriche, en Italie, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Angleterre. Montesquieu souhaite faire carrière dans la diplomatie, mais aussi réfléchir sur l’orientation de sa vie. Avec le chevalier Hildebrand Jacob, il s’initie à l’art. Observateur attentif des institutions politiques, il s’intéresse au féodalisme hongrois à Bratislava. La mosaïque italienne lui présente la fausse liberté de Venise, le despotisme sarde, la république commerçante de Gênes, la modération du gouvernement du grand-duc à Florence, la corruption du gouvernement papal à Rome.

Arrivé à Londres, fin 1729, Montesquieu y séjourne jusqu’au mois d’avril 1731. Il assiste à plusieurs séances du Parlement, se lie avec des personnalités de l’entourage royal et de l’opposition, lit le Craftsman, est admis à la Royal Society et intronisé dans la franc-maçonnerie. Frappé par la liberté qui règne dans ce pays, il saisit, aussi, la fragilité de l’équilibre des pouvoirs : « Il faut qu’un bon Anglais cherche à défendre la liberté également contre les attentats de la Couronne et ceux de la Chambre ».

De retour en France, Montesquieu réfléchit sur les observations faites au cours de ses voyages. Tout en fréquentant les salons de Mme de Tencin, de Mme Geoffrin et de Mme Du Deffand, il s’adonne à l’étude. À partir des ouvrages de sa bibliothèque du château de La Brède, il rédige des extraits de lecture, consigne notes et réflexions dans ses Pensées, le Spicilège, les Geographica et d’autres recueils aujourd’hui disparus, en ayant recours, à cause de sa mauvaise vue, à des secrétaires qui écrivent sous sa dictée.

Au mois de juillet 1734, paraissent les Considérations sur les causes de la grandeur des Romains et de leur décadence ; en partant de l’histoire de Rome, Montesquieu tente de dégager des lois universelles applicables à tous les temps et à tous les pays, estimant que les leçons des temps anciens, si elles sont analysées sans parti pris, peuvent s’appliquer, en partie du moins, au temps présent. Désormais, Montesquieu consacre la plus grande partie de son temps à la rédaction de L’Esprit des lois. L’ouvrage existait dans ses grandes lignes entre 1739 et 1741 au plus tard. À Bordeaux, en février 1745, Montesquieu lit cette première rédaction à l’abbé Guasco, à Jean Barbot, et à son fils Jean-Baptiste de Secondat ; il en révise le texte en 1745-1746. Le pasteur Jacob Vernet surveille à Genève l’impression de l’ouvrage qui paraît à l’automne 1748. À l’accueil chaleureux de ses amis, se mêlent, dès le début de 1749, les premières critiques. Les attaques du fermier général Dupin, celles des jésuites dans le Journal de Trévoux, et des jansénistes dans les Nouvelles ecclésiastiques incitent Montesquieu à publier, en février 1750, la Défense de l’Esprit des lois. La Sorbonne à Paris, et la Congrégation de l’Index, à Rome, examinent l’ouvrage qui est condamné en 1751. Les points contestés portent sur des questions de morale : morale personnelle, avec le problème du suicide chez les Romains et en Angleterre ; morale familiale (polygamie, répudiation, célibat) ; morale sociale (utilité et légitimité du prêt à intérêt) ; morale politique (la vertu et l’honneur dans la monarchie) ; sur des questions relatives aux rapports de la religion avec l’État ; sur les problèmes relatifs à la religion chrétienne comparée aux autres religions.

Juriste et philosophe, Montesquieu s’est toujours défendu d’avoir traité de questions théologiques. Il s’est efforcé de rechercher les causes qui font varier les lois et les coutumes dans le temps et dans l’espace, de découvrir la « nature des choses », car « les lois dérivent de la nature des choses ». Parmi ces causes, la plus importante est d’ordre politique, car elle tient à la nature du gouvernement — monarchique, démocratique ou aristocratique — et, surtout, au principe moral qui les inspire, l’honneur, la vertu ou la crainte. Adversaire du despotisme sous toutes ses formes, avouées ou larvées, partisan d’un gouvernement modéré dans lequel les trois pouvoirs s’équilibrent, concourent au bien moral de la nation et de ses habitants, Montesquieu est convaincu qu’une monarchie à l’anglaise constitue la meilleure forme de gouvernement.

Montesquieu a connu une renommée européenne, comme en témoignent ses élections à l’Académie de Berlin (1747), à l’Académie d’Amiens (1750) et à l’Académie de Stanislas de Nancy (1751). Laissant inachevé l’article Goût pour l’Encyclopédie, révisant et corrigeant L’Esprit des lois, en vue d’une nouvelle édition, Montesquieu, atteint à Paris d’une infection pulmonaire, y meurt chrétiennement à son domicile de la rue Saint-Dominique et est enterré dans l’église Saint-Sulpice. Pendant la Révolution, ses ossements seront jetés dans les catacombes.

Bibliographie : L. Desgraves, Montesquieu (Biographie. Mazarine, t. 1), Paris, 1986 ; S. Goyard-Fabre, Montesquieu : la nature, les lois, la liberté (Fondements de la politique. Essais), Paris, 1993 ; R. Shackleton, Montesquieu : A Critical Biography, Londres, 1961.

© Patrimoine littéraire européen, sous la dir. de J.-Cl. Polet, Bruxelles, De Boeck-Université, 2010.

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