Les rues de LLN

rue de la Saint-Grégoire

rue de la Saint-Grégoire
1348
Louvain-la-Neuve

Saint‑Grégoire

Saint‑Grégoire (rue de la) D3

Conseil communal du 15 avril 1975.

Toponyme créé (toponyme non descriptif).

* Thème du folklore et des traditions populaires de Wallonie.

« Rue de la Saint-Grégoire » rappelle la fête traditionnelle des écoliers de Wallonie, le 12 mars.

* Grégoire Ier, dit Grégoire le Grand, fut évêque de Rome entre 590 et 604. Né à Rome vers 540 d’une famille patricienne, il commença une carrière civile comme préfet de la ville de Rome. Il se retira du monde, se fit moine suivant la règle de saint Benoît et fut en 579 envoyé comme délégué à Constantinople par le pape Pélage II. Rentré à Rome vers 585 et ayant repris sa vie monastique, il fut élu pape en janvier 590 à la mort de Pélage, par acclamation. Malgré ses fortes réticences, il est consacré évêque de Rome en septembre de la même année.

Dans la période troublée que connaissait alors l’Italie depuis la fin de l’Empire romain sous les coups des grandes invasions, Grégoire se montra un administrateur sage et un organisateur, nonobstant sa mauvaise santé. Il obtint par exemple en 592 une trêve des Lombards, qui dévastaient l’Italie du Nord et menaçaient Rome. Classique dans sa doctrine, Grégoire est surtout un pasteur, un organisateur lucide ayant des vues assez étendues sur les besoins de l’Église de son temps. C’est lui par exemple qui, intéressé par l’avenir des îles britanniques, envoya en 596 le moine Augustin (le futur saint Augustin de Cantorbéry) avec quelques compagnons ; il leur confie la double mission d’établir la vie monastique en Angleterre et de convertir les dirigeants au christianisme. À cette fin, Grégoire donna aux missionnaires des consignes souples d’adaptation aux usages locaux : ne pas détruire brutalement les coutumes païennes, mais les christianiser en douceur. Malade et souvent alité durant les dernières années, Grégoire mourut à Rome le 12 mars 604.

Il a laissé un certain nombre d’écrits : des lettres, un traité de pastorale (Liber regulae pastoralis), des Dialogues sur des actions accomplies par des personnages édifiants, ainsi que des écrits sur la morale (Moralia) ; dans ces derniers, nourris de ses méditations bibliques sur le livre de Job et basés aussi sur son expérience intérieure, il a ébauché les grandes directions de la morale classique. La tradition, partiellement contestée par la recherche historique, lui attribue aussi un rôle important dans le domaine liturgique, puisque son nom est resté attaché à un rituel d’administration des sacrements (sacramentaire grégorien) et au chant latin de l’Église catholique (chant grégorien). Grégoire est l’un des quatre grands « docteurs » de l’Église latine (avec Augustin d’Hippone, Jérôme et Ambroise de Milan). Occupant une place importante dans ce moment charnière entre l’Antiquité et le Moyen-Âge, il est sans doute l’un des ces hommes de pensée et d’action qui a le plus fortement marqué le monde occidental naissant.

Saint Grégoire est fêté le jour anniversaire de sa mort, le 12 mars. Son érudition lui a valu d’être le patron des savants. Son lien avec la liturgie et le chant d’église (plain-chant, chant grégorien) lui a valu le patronage des chantres et des musiciens, mais aussi des enfants de chœur. Dans les régions rurales sous l’Ancien Régime, la même personne exerçait souvent les fonctions de sacristain, de chantre et de maître d’école (en wallon, le maurlî, dérivé du latin matricularius, qui a donné en français marguillier). Le patronage de saint Grégoire s’étendait donc à tout ce monde du savoir et de la musique et de leur diffusion : instituteurs, maîtres et membres des chorales, enfants de chœur et plus globalement tous les écoliers. En outre, la date de sa fête coïncidant avec le jour où le calendrier horticole printanier prévoyait le plantage des oignons, Grégoire a ajouté ce patronage populaire à ses nombreux autres. Enfin, sa protection s’étendait aussi aux âmes du purgatoire, en rapport avec une légende selon laquelle Grégoire aurait obtenu qu’en raison de sa justice l’empereur romain Trajan soit délivré du purgatoire. Ce dernier patronage est à l’origine de la pratique ancienne du « trentain grégorien », suite de messes que l’on faisait célébrer pour le repos éternel des défunts. Dans l’iconographie, Grégoire est imberbe, coiffé de la tiare papale et portant au cou la croix pontificale à triple traverse. Son attribut le plus fréquent est la colombe inspiratrice.

Dans les traditions wallonnes, Grégoire était jadis très présent comme patron des écoliers et rivalisait même en certains endroits, en Hesbaye et dans le Hainaut notamment, avec le très populaire saint Nicolas. Le jour de sa fête, il arrivait que les écoliers enferment dans la classe leur maître, indulgent pour l’occasion, et organisent autour de lui des rondes qui ne cessaient qu’à l’obtention d’un jour de congé :

 

« Sint Grègori

patron des scolîs

d’néz nos on djoû d’condjî ».

 

Parfois le maître se prêtait au jeu d’une flagellation symbolique pour expier les punitions qu’il infligeait à ses élèves durant l’année. En d’autres endroits, les enfants se coiffaient de mitres en papier. La protection des oignons a également suscité de nombreux dictons et rimes populaires : « A l’Sint Grég’wère c’èst l’djoû k’on sème les ognons min.me dins l’broû » (« à la Saint-Grégoire, c’est le jour où l’on sème les oignons, même dans la boue »). Ou encore ce petit quatrain :

 

« A l’portchèsse di sint Grégôre

kè l’bon Diu nos avôye

dès gros ognons

come li cu d’on vî tchaudron »

(« À la poursuite de saint Grégoire, que le bon Dieu nous envoie des gros oignons comme le cul d’un vieux chaudron »).

Bibliographie : Actes du Congrès international du C.N.R.S. n° 612 sur Grégoire le Grand, Paris, 1986 ; P. Batiffol, Saint Grégoire le Grand, Paris, 1928 ; A. Colignon, Dictionnaire des saints et des cultes populaires de Wallonie, Liège, 2003, p. 241-245 ; CPW, p. 230-233 ; IAC, t. III-2, p. 609-616.

J. Pirotte

              

Classé dans : L'Hocaille