Les rues de LLN
clos des Serres
Serres
Serres (clos des) D9
Conseil communal du ?.
Toponyme créé (descriptif lié à la situation).
* Thème des toponymes descriptifs.
Nom donné à un petit sentier desservant un sous-quartier de la zone d’habitat alternatif du quartier de La Baraque, parce qu’il accueille d’anciennes serres viticoles reconverties en logements. L’habitat alternatif s’étend en réalité sur plusieurs zones ou sous-quartiers, très précisément identifiés dans la cartographie des lieux. : « le Jardin », « les Bulles » et « le Talus ».
* Dès les premières années de cours à Louvain-la-Neuve, des groupes issus de maisons communautaires de Leuven — et pour la plupart composés d’étudiants en architecture ou en sciences humaines et sociales — décidèrent de migrer vers la ville nouvelle en ayant pour objectif de réaliser par eux-mêmes (auto-construction) un logement autre que celui proposé à Louvain-la-Neuve (clé sur porte) : un logement plus personnalisé, plus économique et plus simple dans ses matériaux et sa conception, réalisable rapidement. Ils voulaient aussi mener une vie collective et moins tournée vers la consommation. À l’arrivée de ces groupes, nous ne sommes que sept ans après 1968…
Attirés par l’existence de terrains discrets, séduits par l’accueil de ses habitants et le charme du village ancien, ils atterrirent à La Baraque. C’est ce qu’on appelle depuis à Louvain-la-Neuve « l’habitat alternatif » ou — dans le vocabulaire de l’Université — « l’habitat expérimental ». En trois ans, plusieurs groupes s’installèrent successivement. Dans chaque groupe, des logements individuels furent organisés autour d’un équipement commun. Comme aujourd’hui, on se déplace à pied entre les logements, les voitures restent garées à l’extérieur. L’infrastructure était alors sommaire : un ou deux points d’eau ; l’électricité partout ; le gaz naturel pour un des groupes.
Ils s’établirent sur trois zones géographiques. La première, tout d’abord, appelée « Le Jardin », comprend « Le Verger », « Les Serres », « Les Roulottes et les Cabanes ». Un premier groupe débarqua à « La Baraque » le 7 juillet 1975 et installa roulottes, cabanes et bus à double étage à l’abri des hautes haies du verger voisin du « château de la Baraque », ancien bâtiment conventuel qui abritait alors entre autres un restaurant bio, une boulangerie artisanale et une école alternative (aujourd’hui occupé par le CETH, qui accueille des handicapés). Cette première communauté fut rejointe les années suivantes par d’autres groupes qui, parfois avec l’appui de leurs professeurs, se fixèrent également pour objectif de réaliser par eux-mêmes et à moindres frais un logement simple, rapide et novateur. En 1976, une dizaine d’étudiants en architecture rachetèrent à Hoeilaert des serres à raisin désaffectées, que l’État poussait alors à démanteler. Alignées en bordure de la « Nationale 4 », dans une parcelle d’habitation cernée de hauts sapins, non loin du verger, elles s’organisaient autour d’une serre commune qui servait aux repas, à la toilette et aux réunions. Recouvertes de plaques ondulées et isolées de laine de roche, ces serres constituaient une succession de cellules individuelles — bien vite aménagées et remaniées au goût de chacun et au gré des aventures familiales. Ce groupe des « Serres » — proche de la Faculté d’architecture — était jouxté vers le chemin de Gilly par un groupement de roulottes et cabanes, à l’origine plus proche des sciences sociales. Tous deux partageaient parking, points d’eau et électricité. Ils furent ensuite rejoints par certains occupants du « Verger » lorsque la construction de maisons sociales s’y annonça.
La seconde zone, ensuite, désignée « Les Bulles », regroupe aussi « Le Zoo » et « La Fattoria ». En 1976 également, un autre groupe d’architectes pionniers érigea près du « Zoo de la Baraque » cinq dômes géodésiques, des « zômes », tels qu’ils les avaient étudiés théoriquement dans leurs cours. Une bâche plastique tendue à l’intérieur d’une double structure métallique, constituée de tubes ronds boulonnés en triangles sur des plaques de liaison, assure l’étanchéité. Cette peau légère, posée sur une fine semelle de béton, est isolée par l’intérieur avec des plaques de polystyrène expansé enduites de plâtre. Quatre d’entre elles sont autant de cellules de logement, la cinquième, la « Grande Bulle », étant la cuisine et le lieu de vie commune. Un bloc sanitaire commun est érigé à proximité. Après une trentaine d’années, ces « Bulles », encore pleinement fonctionnelles, n’avaient toutefois plus si fière allure. Elles ont été rénovées de diverses façons : béton projeté, ou polystyrène extrudé et mousse de polyuréthane recouverts de fibre de verre et résine époxy, ou ballots de paille et enduits. D’autres habitats se sont développés autour : une roulotte et une maison en terre-paille, une autre roulotte et des cabanes.
Juste à côté se trouvait le « Zoo ». On appelait ainsi une maison dont le jardin abritait jusqu’aux années 1980 une collection de quelques animaux exotiques (un lion, des singes, etc.). On garda le nom de « bar du Zoo » lorsque les habitants prirent l’habitude d’y organiser un souper hebdomadaire commun. Et quand l’activité déménagea ensuite dans un nouveau baraquement, sur la « Prairie sacrée », le nom lui resta.
Puis vint le groupe de « La Fattoria ». Suite à un voyage à cheval et en roulotte à travers l’Europe, deux habitants ont voulu, en 1994, créer une institution ressemblant à ce qu’ils avaient vu en Italie : un potager biologique collectif, cultivé avec l’aide de personnes handicapées mentales ou en quête de reconstruction morale ou sociale, et dont les produits alimentent une table d’hôtes et un petit magasin biologique. Après la construction d’un bâtiment abritant aussi une douche et une machine à laver communautaires, alimentées par les eaux épurées du Jardin, une coopérative fut créée pour acquérir le bâtiment du Zoo mis en vente par son occupante et où se trouvent le magasin et deux logements. Depuis lors, plusieurs roulottes se sont regroupées dans le jardin attenant et forment un groupe communautaire.
La troisième zone, enfin, nommée « Le Talus », se situe en contrebas des dernières maisons du hameau, derrière la pinède et le grand potager : elle a été investie à l’été 1980. Ce vallon sec dont les coteaux avaient servi de lieu d’extraction pour la confection des briques des maisons du vieux hameau était appelé « le Talus ». Autour d’une serre commune, inaugurée le 31 octobre 1980 (témoignage de Benoît Maskens), s’établirent des cabanes et des roulottes ; puis dans la prairie voisine s’éleva une grande maison expérimentale de terre crue et de verre, objet et résultat d’un mémoire pratique en architecture bio-climatique.
Si l’Université voyait d’un œil plutôt favorable l’installation sur ses terres d’un « habitat expérimental », la commune partit d’abord en guerre contre ces nouveaux occupants atypiques. Tout comme les étudiants et membres de l’Alma Mater qui avaient loué les maisons expropriées du vieux hameau, les nouveaux venus nouèrent — grâce aux parties de pétanque, aux potagers ou aux conversations en wallon — des relations amicales avec les quelques anciens habitants qui pendant dix ans avaient résisté à l’expropriation. Très vite, les nouveaux furent solidaires de la cause des « anciens », dont le hameau était alors menacé par un Plan particulier d’aménagement (PPA) qui vouait à la destruction son identité physique. Tous étaient unis par la volonté de « rester ». Ensemble, ils se dotèrent de structures sociales à même de répondre à leurs besoins. Ils constituèrent un comité de quartier, élurent des représentants et investirent une salle du bâtiment du « Zoo » pour en faire un bar et restaurant de quartier, mais aussi un lieu de réunion et de concertation, tant pour répondre aux menaces extérieures que pour résoudre les problèmes internes.
Organe de défense et de gestion collectives, cette structure généra en 1982 un nouveau Plan particulier d’aménagement, rédigé cette fois en concertation avec l’Université et la commune. Ce PPA modificatif préserve le caractère semi-rural du vieux hameau (voiries et densité) et définit des zones pour l’habitat alternatif. Il ne sera toutefois pas voté avant 1991, à l’occasion d’un changement de majorité. Dès lors, l’Université proposa en 1992 la création d’une structure juridique capable de représenter et gérer l’habitat alternatif, tout en négociant un contrat d’occupation du sol. Cette négociation aboutit en 1998 à un projet d’accord commun, qui ne fut toutefois jamais avalisé. Entre-temps, la commune avait largement revu son jugement sur ces drôles d’habitations et faisait à présent confiance à ses occupants pour s’organiser.
Chacune des trois zones d’habitat organise des réunions pour l’accueil de nouveaux habitants ou la gestion des espaces extérieurs, tous collectifs. Pareille pratique collective réinscrit la vie quotidienne dans sa dimension politique. Dans le cadre de cet espace « ouvert », développer un projet individuel nécessite la concertation et le dialogue. Cela demande à chacun de connaître ses besoins, de les exprimer et d’écouter ceux des autres. L’arbitrage a lieu non pas en référence à un règlement préétabli, pas plus qu’en vue d’un objectif théorique à venir, mais bien au travers de la confiance placée dans la personne et dans la gestion par le groupe. Lorsque les enjeux sont plus étendus, des réunions sont aussi parfois organisées avec l’ensemble du « Vieux Quartier » (qui groupe l’ensemble des anciennes maisons et l’habitat alternatif), voire les nouveaux quartiers de la Baraque avoisinants. C’est ainsi que depuis 2005, en concertation avec les services de l’urbanisme de l’Université, des plans d’aménagement de la Baraque ont été préparés collectivement et dernièrement présentés à la commune pour anticiper et accommoder les changements urbanistiques qu’entraînera la construction du parking relais de la S.N.C.B. en bordure du « Talus » (le sous-quartier « Courbevoie ») et environs.
Au fil des années, certains habitats s’agrandirent, s’adaptèrent à des besoins nouveaux (les familles devenaient plus nombreuses, les exigences de sécurité et de confort poussèrent à refaire les installations d’eau et d’électricité, amener le téléphone, gérer l’égouttage, etc.). Tous ces travaux, toujours discutés avec les voisins et approuvés en réunion de quartier, sont effectués par les habitants, dans une grande variété de formes et avec beaucoup de liberté quant aux solutions trouvées. Depuis 1985, de nouvelles techniques furent sans cesse expérimentées : la terre crue, un atelier en ballots de paille, des annexes ou des maisons en bois cordé ou en terre-paille, des isolations en papier journal recyclé, des toitures vertes, des panneaux solaires thermiques, etc. L’usage de W.-C. secs est généralisé et à l’initiative de « La Fattoria », un système d’épuration des eaux grises fondé sur les recherches du professeur Orszách alimente la mare de leur potager. Grâce à la modestie du gabarit des habitations, à l’absence de clôtures internes ainsi qu’au fait que les véhicules à moteur sont cantonnés à l’entrée des sous-zones, la densité d’habitat – pourtant semblable à celle des quartiers voisins – n’apparaît pas de prime abord : « Une dé-densification magnifique » disait effrontément Jean-Marie Lechat, ancien directeur de l’Administration des domaines de l’Université, à Micha Wald (Le quartier de « La Baraque », Louvain-la-Neuve, Belgique). Le visiteur est saisi par la prégnance des espaces verts et la proximité des habitants. Quant aux enfants, ils jouissent ainsi du plus grand jardin de la ville…
Bibliographie : J. Derbaix e.a, La Baraque. Un quartier alternatif vu par ses habitants, Inédit, en vente chez l’auteur, Louvain-la-Neuve, 2006 [2009] ; L. Ducamp, Ethnographie d’un quartier alternatif : focus sur la socialisation des enfants de la Baraque et leur rapport à l’habitat, Mémoire de licence inédit en communication sociale, Université catholique de Louvain, Louvain-la-Neuve, 2008 ; Le quartier de « La Baraque », Louvain-la-Neuve, Belgique (coll. « Kaléidoscope. Regards sur un cadre de vie », nº 27), Arte France-Wajnbrosse Productions, 2004 (DVD, 26 min.) ; M. Renard, La communication dans une expérience de vie communautaire. L’expérience de La Baraque, Mémoire de licence inédit en sciences politiques et sociales, Université catholique de Louvain, Louvain-la-Neuve, 1980 ; A.‑H. Vandepopeliere, Le quartier de la Baraque aujourd’hui : l’homme et son espace. Approche ethnosociologique, Mémoire de licence inédit en communication sociale, Université catholique de Louvain, Louvain-la-Neuve, 1991.
A. de Moffarts d’Houchenée
→ Baraque ; Baraque [Verger de la] ; Gilly ; Vieux Quartier.