Les rues de LLN
rue du Cheval Bayard
Cheval Bayard
Cheval Bayard (rue du) D4
Conseil communal du 25 février 1975.
Toponyme créé (toponyme non descriptif).
* Thème du folklore et des traditions populaires de Wallonie.
* Quoique subissant l’usure du temps, les folles galopades de Bayard, le cheval-fée à la croupe qui s’allongeait à volonté, n’ont pas encore été tout à fait effacées du souvenir collectif. Il en va de même, sans doute, pour les aventures de ses « propriétaires », les Quatre Fils Aymon, dressés contre l’arbitraire de Charlemagne et contraints, de ce fait, à de longues errances de l’Ardenne à la Gascogne.
Le cœur du récit qui a cristallisé leur épopée figure dans la Geste de Renaud de Montauban. Il s’agit d’un texte qui, sous sa forme primitive (dite le manuscrit La Vallière) remonterait à la fin du XIIe siècle et aurait été rédigé — hypothèse de Joseph Bédier — dans la région de Stavelot-Malmedy avant de se diffuser dans la France de l’Est puis en terre flamande.
On peut le résumer comme suit. Un jour de Pentecôte, le duc Ayme de Dordone est venu présenter à la cour de Charlemagne, à Paris, ses quatre fils, Alard, Renaud, Guichard et Richard. Le lendemain de leur adoubement, Renaud, à la suite d’une querelle, tue le neveu de l’Empereur, Bertolai. Contraint de fuir précipitamment, Renaud, monté sur Bayard, son fidèle cheval offert par son cousin, l’enchanteur Maugis, se réfugie en Ardenne avec ses frères. Aidés de leurs serviteurs, ils bâtissent la forteresse de Montessor (inspirée sans doute par Château-Regnault, au sud de Monthermé), sur les bords de la Meuse. Charlemagne, informé, vient les y assiéger. La place est prise par trahison et les quatre frères, toujours juchés sur Bayard, devront reprendre leurs pérégrinations, du nord au midi.
Après maintes péripéties, la paix est signée entre l’empereur et les rebelles, repentants. Mais avant de partir en pèlerinage pour la Terre Sainte, Renaud doit livrer Bayard à Charlemagne. Celui-ci le fait amener à Liège et ordonne qu’il soit précipité dans la Meuse, une meule attachée au col. À force de se débattre, le cheval brise la pierre et s’échappe, libre, vers la forêt d’Ardenne où on peut encore l’entendre hennir, chaque année, à la feste saint Jehan.
Les traces du succès de cette chanson de geste qui, au fil de ses versions successives, finit par compter quelque 29 513 alexandrins avant d’être retranscrite en prose au début du XVe siècle, sont innombrables, surtout au Pays mosan. Bon nombre de villes, dans l’espace roman ont eu des auberges et des « brassines » dédiées aux Quatre Fils Aymon, chevauchant comme il se doit Bayard. Et ce souvenir s’est parfois transmis à des noms de rues : ce fut le cas à Mons ainsi qu’à Lessines dès le XVe siècle.
Mieux, vers la fin du Moyen-Âge, plusieurs villes wallonnes et flamandes (Lierre, Audenaarde, Leuven, Ath, Nivelles, Dinant et Namur) eurent des cavalcades et des cortèges où l’on exhibait les fils Aymon juchés sur un Bayard surdimensionné. À Dinant, ils formaient un groupe spécifique dans la partie populaire de la procession. Cela avait été le cas à Ath dès 1461, le cheval Bayard d’Ath ayant été copié sur celui d’Audenaarde, en accord avec le magistrat de cette ville. À Namur, il est mentionné pour la première fois dans de telles représentations en l’an 1518 : il y restera jusqu’en 1723, avant de renaître en… 1951, dans la foulée du néo-folklore, par la grâce d’un subside du Comité des fêtes de Wallonie.
Longtemps présent dans l’imaginaire du menu peuple par le biais des livrets de la Bibliothèque bleue (très en vogue chez nous jusqu’au XIXe siècle) et du théâtre liégeois des marionnettes, le cheval Bayard a inscrit de surcroît sa présence dans la toponymie. En effet, on recense à travers la Wallonie, de Buzenol à Noville et à Stoumont, pas mal de « pas Bayard », rochers à la configuration un peu étrange où il est censé avoir laissé son empreinte. Et, de fait, on la voit … avec un peu d’imagination. Le plus connu de ces monuments légués par la nature est l’illustre Rocher Bayard (« li rotche à Bayau ») de Dinant, aiguille rocheuse haute d’une quarantaine de mètres qui se trouve à la sortie de la ville, en amont, sur la rive droite de la Meuse, et qui suscite toujours la curiosité des touristes du dimanche.
Enfin, signalons que la statuaire contemporaine s’est plu à épingler « notre » Bayard, figé en plein bond pour l’éternité. C’est ainsi qu’il trône, un peu discrètement peut-être, dans la capitale wallonne, sous la forme d’une œuvre rescapée de l’ « Expo » universelle de 1958.
Bibliographie : J. Bédier, Les légendes épiques, Paris, 1913, t. IV, p. 19 sv. ; G. Laport, Les quatre fils Aymon et la forêt d’Ardenne, dans La Vie wallonne, t. XI de 1931 ; R. Meurant, Géants processionnels et de cortège en Europe, en Belgique, en Wallonie (Commission royale belge de folklore [section wallonne], vol. VI), Bruxelles, 1979, p. 277-293 ; M. Piron, La légende des Quatre Fils Aymon, dans EMVW, t. IV, 1946, p. 181-212 ; t. VI, 1951, p. 1-66 t. VII, 1955-56, p. 129-192, 350-352, t. IX, 1961, p. 179-183 ; A. Van Gennep, Le folklore de la Flandre et du Hainaut français, Paris, 1935, t. I, p. sv.
A. Colignon
→ Charlemagne ; Durendal ; Montauban.