Les rues de LLN

rue des Blancs Chevaux

rue des Blancs Chevaux
1348
Louvain-la-Neuve

Blancs Chevaux

Blancs Chevaux (rue des)   C5-D5

Conseil communal du 15 avril 1975.

Toponyme créé (toponyme non descriptif).

*    Thème du folklore et des traditions populaires de Wallonie.

À proximité de l’« avenue des Clos », portant chacun un nom évocateur du folklore wallon (« clos des Gilles », « clos de la Haguette », etc.), quelques rues portent des toponymes de la même veine (« rue du Cheval Bayard », « rue des Chinels », etc.).

*   Le thème du folklore et des traditions populaires n’eût pas été bien traité si l’on n’y avait intégré le souvenir d’une légende propre au plateau de Lauzelle, à savoir la légende de la chapelle au blanc tch’fau. Liée à la chapelle proche de la ferme de Lauzelle, cette légende raconte que les habitants de la région voyaient rôder et entendaient hennir Désirée, la jument blanche préférée de l’Empereur : elle pleurait les vaillants soldats que son maître avait perdus sur le plateau de Lauzelle, lors de la bataille sanglante du 18 juin 1815 qui mit aux prises l'avant-garde de l'armée de Grouchy et l'arrière-garde prussienne. Les cadavres des soldats et des chevaux occis lors de cette bataille furent inhumés au lieu-dit l'Aurnwè, en contrebas de la ferme de Lauzelle, vers le hameau de la baraque. Bientôt, des feux follets furent aperçus à l’endroit de la nécropole, donnant naissance à des interprétations extraordinaires, dont celle du blanc tch’fau impérial errant sur le charnier. C’est dans ce contexte que se développa la légende.

Un soir, un ivrogne blessa la jument qui reprit sa forme première. C’était une jeune fille, métamorphosée en jument à la suite de l’intervention d’une vieille femme qu’elle avait rencontrée à la chapelle de Lauzelle, en allant y prier pour ses amours désespérées. Ainsi transformée, elle voulait approcher le fils du fermier, dont elle était tombée amoureuse. Après cette aventure, on n’entendit plus jamais la belle jument blanche. L’endroit où fut blessée la belle amoureuse s’appelle encore « Au blanc tch’fau » et la chapelle érigée à cet endroit entendit bien souvent, par la suite, les prières d’autres âmes en peine d’amour.

L’existence d’une chapelle à cet endroit, dépendance de l'abbaye d'Affligem jusqu'en 1796, est attestée dès 1731, mais il n’est pas établit qu’il s’agisse de la chapelle actuelle : la pierre votive de la chapelle porte le millésime 1732.

Cette pierre votive nous apprend que « Cette chapelle a été édifiée par Martin Brion, Censier, l'An 1732 ». Pour la petite histoire, cette pierre n’a retrouvé sa destination d’origine qu'en 1997, grâce à l’action d’un habitant de Louvain-la-Neuve, Paul Califice, un amoureux du patrimoine de sa cité d’adoption. On lui doit également l’érection d’un monument localisant l’ancienne terre de justice de Wavre (actuellement sur le territoire de Louvain-la-Neuve) et une histoire du « bois de Lauzelle ». La pierre, en effet, avait été, à une date inconnue, « recyclée » dans le pavement de l'arrière-cuisine de la ferme de Lauzelle, où elle se trouvait sous une écrémeuse… En 1969, un lointain descendant de Martin Brion en quête de ses racines et qui visitait la cense de son aïeul, redécouvrit ce précieux héritage familial. Il en obtint la garde et c’est chez lui qu’elle fut récupérée en 1997, pour être réintégrée solennellement (le 23 septembre) dans la bâtisse qui l’avait vu naître, à l’occasion des festivités commémorant les vingt-cinq ans du transfert de l’Université catholique de Louvain en Wallonie.

L’histoire ne s’arrête pas là ! Depuis 2002, un carnaval du « Blan Tchfau » organisé par le Comité des fêtes et les enseignants du Collège du Biéreau, fait revivre la légende des grognards de l’Empire. À la fin de l’hiver, un grand cheval blanc d’opérette est promené en cortège par les élèves et leurs enseignants à travers les rues piétonnes de la ville. Les moments forts de la procession sont l’« ascension » des escaliers de la « traverse d'Ésope » et la « folle traversée » du tunnel de la « scavée du Biéreau ». Au terme de sa marche héroïque, un « Rondeau du Blan Tchfau » encercle le canasson impérial : les filles, déguisées en cheval blanc, exécutent avec leurs grognards, les garçons, un pas de danse évoquant la scène de la métamorphose du cheval en gente damoiselle. Vient enfin l’heure du sacrifice : comme son cousin le Bonhomme Hiver, le Blan Tchfau est immolé par le feu en vue de signifier la fin de l'hiver.

On notera, pour terminer, que dans le nom de la rue, le substantif cheval a été malencontreusement mis au pluriel, ce qui n’est pas fidèle à la légende. En revanche, l’antéposition de l’adjectif a été maintenue, comme en wallon.

Bibliographie : P. Califice, Aperçu historique du bois de Lauzelle, dans Wavriensia. Bulletin du Cercle historique et archéologique de Wavre et de la région, t. XLVI, n° 1, 1997, p. 22-36 ; Id., Louvain-la-Neuve. Réhabilitation de la pierre votive de la chapelle de Lauzelle, dans WAV, t. XLVI, 1997, p. 149-159 ; A. Mortier, Au Blan Tchfau, dans FB, t. XV, 1935-1936, p. 56-63 ; OTA1, p. 25-27.

L. Courtois et I. Lejeune

              

     

Classé dans : L'Hocaille