Les rues de LLN
jardin du Père Maximilien Kolbe
Kolbe
Kolbe (jardin du Père Maximilien) D5
Domaine universitaire.
Toponyme créé (toponyme descriptif).
Thème du patrimoine européen et universel.
C’est à la demande de l’Université, qui souhaitait honorer par l’érection d’une statue la mémoire du Père Maximilien-Marie Kolbe (1894-1941), célèbre franciscain polonais mort à Auschwitz en 1941 et canonisé en 1982, que l’espace vert situé entre l’église Saint-François et la rampe du Val, propriété de l’Université, a reçu ce nom [PV OL 21 mars 2005]. Une statue y a effectivement été érigée en contrebas du parvis Saint-François.
* Qui ne se souvient, du moins s’il a grandi en milieu catholique, des récits édifiants de son enfance rapportant la mort héroïque du Père Kolbe au camp de concentration d’Auschwitz le 14 août 1941, en prenant la place d’un père de famille condamné, avec neuf autres détenus, à mourir de faim dans un bunker en représailles d’une évasion ? Malgré le supplice, qui amène souvent les victimes à un état de folie où ils s’entre-tuent rapidement, le franciscain parvint à convaincre ses compagnons de mourir dans la dignité. Après quinze jours de privation, les quatre survivants — dont le Père Kolbe — furent achevés par injection de phénol dans le bras. Celui qui avait échappé au bunker grâce au Père Kolbe, le sergent François Gajowniczek, aura la vive sauve : il est mort le 13 mars 1995, dans la ville de Brzeg.
Né le 7 janvier 1894 à Zdúnska Wola, Raymond Kolbe entra chez les franciscains conventuels de Lwów en 1907. Il y fit ses études secondaires et son noviciat, avant d’y faire sa profession en 1911 et d’y recevoir le nom de Maximilien. Envoyé à Rome, il y conquit ses grades en philosophie à l’Université grégorienne et en théologie à la Faculté Saint-Bonaventure du Collège séraphique international de l’ordre de saint François. C’est là où il séjourna de 1912 à 1918, qu’il fonda, avec six confrères, une pieuse union appelée Milice de l’Immaculée conception (16 octobre 1917), destinée à l’apostolat marial. Ordonné prêtre en 1918, il regagna la Pologne l’année suivante, où il enseigna la philosophie quelques années à Cracovie. En 1922, il lança une revue apologétique et mariale (Le Chevalier de l’Immaculée), qui devint rapidement populaire dans le pays. En 1927, il fonda à Niepokalanów, près de Varsovie, une cité monastique dédiée à l’Immaculée. Elle fut le siège d’une maison d’édition et d’une radio très active dans la propagande mariale. En 1930, le Père Kolbe partit pour le Japon, où il fonda près de Nagasaki une seconde « cité de l’Immaculée », diffusant également un bulletin marial et missionnaire très populaire dans les milieux catholiques. De retour en Pologne (1936), le Père Kolbe repris la direction de Niepokalanów, qui comptait, en 1938, pas moins de 762 religieux, ce qui en faisait à l’époque la plus grande communauté religieuse dans le monde. Pendant la guerre et l’occupation allemande, le monastère accueillit de nombreux réfugiés, parmi lesquels un certain nombre de Juifs. C’est là que le fransiscain fut arrêté par la Gestapo, une première fois du 19 septembre 1939 au 8 décembre 1939, puis le 17 février 1941, avant de prendre le chemin d’Auschwitz.
Le procès informatif pour sa béatification a commencé à Padoue le 24 mai 1948 et s’est terminé en 1954. Il a conduit à l’ouverture d’un procès apostolique devant la Congrégation des rites le 16 mars 1960. Il a été béatifié comme « confesseur » le 17 octobre 1971 par Paul VI, puis canonisé comme martyr le 10 octobre 1982 par Jean-Paul II. Il est fêté le 14 août. La distinction entre « confesseur » (au sens premier de « qui confesse la foi chrétienne », en témoigne) et martyr (qui consent à être tué pour témoigner de sa foi, plutôt que d’abjurer) est pertinente : en se proposant librement de prendre la place d’un condamné, le Père Kolbe n’est pas à proprement parler un « martyr », au sens traditionnel. Il figure parmi les dix martyrs du XXe siècle mis à l’honneur par l’Église d’Angleterre en 1998 à l’abbaye de Westminster. Un film de Krzysztof Zanussi (1991) et un opéra de Dominique Probst, sur un livret d’Eugène Ionesco (1998), lui ont été dédiés.
Si le Père Kolbe est un saint très populaire et dont le sacrifice volontaire à Auschwitz force le respect, que l’on soit croyant ou non, il ne faut pas cacher que sa canonisation pose question à un certain nombre de contemporains. Sans vouloir introduire ici la polémique, on notera que les développements récents de l’historiographie s’accordent à reconnaître l’existence d’un « conflit de mémoires » entre « Polonais » (en fait catholiques polonais) et Juifs polonais au sujet de l’histoire dramatique de la Pologne au cours de la Seconde Guerre. L’« Affaire du carmel d’Auschwitz » n’en est qu’une pénible illustration. Pour les uns, Maximilien Kolbe est le symbole par excellence de la martyrologie « polonaise », qui retient surtout des événements le calvaire des populations victimes de la barbarie nazie à l’encontre de Slaves considérés « eux aussi » comme inférieurs. Pour les autres, il est le héros d’un catholicisme polonais qui faisait de la catholicité le fondement exclusif de la nationalité polonaise et par là, a conduit inéluctablement à une marginalisation et à une stigmatisation des Juifs dans l’ensemble de la vie sociale, ce qui a facilité la Shoa.
Bibliographie : Catholicisme, t. VI, col. 1467-1469 ; A. Frossart, « N’oubliez pas l’amour ». La passion de Maximilien Kolbe, Paris, 1987 ; A. Ricciardi, Maximilien Kolbe. Prêtre et martyr, Paris, 1987 ; Ch. Szurek, Juifs et Polonais (1918-1939), dans Les cahiers de la Shoah, n° 1, 1994, p. 67-78 ; A. Wieviorka et J.-Ch. Szurek, Juifs et Polonais. 1939-2005, Paris, 2009 ; M. Winowska, Saint Maximilien Kolbe, Paris-Montréal, 1982 ; Id., Le secret de Maximilien Kolbe, Paris, 1971.
L. Courtois